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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Dialogue des morts

Editorial du magazine royaliste N°930 | 
vendredi 1 août 2008 | Thème: politique
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Quand un homme comme François Fillon se met à discourir sur l’idéologie, on écarquille les yeux : y aurait-il une pensée dans ce gouvernement ? Bien mieux ! Devant l’Union démocratique internationale, le Premier ministre affirmait le 26 juin que la droite « a gagné la bataille idéologique ».

La nouvelle est d’importance. On cherche fébrilement l’ensemble du discours mais Matignon n’a pas jugé bon de le reproduire. Il faut se contenter des extraits publiés et déjà oubliés alors qu’ils méritent réflexion. Selon le Premier ministre, « depuis un an, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, la France est en train d'accomplir une mutation culturelle (...) Nous sortons du relativisme culturel et moral que la gauche française des années 1980 avait diffusé dans le pays » parce que la droite a « réintroduit des vertus qui avaient été négligées, parfois même ridiculisées : la réussite, le respect, la responsabilité ».

Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Remarquons d’abord que le propos n’est pas gentil pour Jacques Chirac, homme de droite, étranger à Mai 1968 et qui a dû lire pendant ses deux septennats bien des pages sur la culture et sur la morale universelles.

Mais sur le fond ? Le malheur des temps oblige à se faire un instant relativiste : vérité au sein de l’oligarchie, erreur au-delà de ses résidences. Dans le milieu dirigeant, il est vrai que la droite qui croit au « progrès », sous la forme du « libéralisme, de la compétition et de la mondialisation », pour reprendre les mots de François Fillon, a gagné la bataille idéologique bien avant que Nicolas Sarkozy ne prenne le pouvoir. La gauche oligarchique, politique et syndicale, patronale et journalistique, se réfère au libéralisme, utilise ses recettes et cultive ses valeurs supposées, avec les contorsions d’usage. Preuve archiconnue : François Hollande, Ségolène Royal, Bertrand Delanoë, les chefs de la CFDT et de la CGT, les patrons du Nouvel Observateur défendaient le dispositif ultra-libéral du défunt « traité constitutionnel » repris dans le traité de Lisbonne aujourd’hui moribond.

Le Premier ministre a tort de se réjouir, cependant. La droite française connaît un effondrement politique, moral, intellectuel, sociologique pire que toutes les défaites subies par la gauche française depuis le début des années quatre-vingt. Sur ce dialogue des morts, de trop rapides remarques :

La tradition communiste est marginalisée mais peut renaître et le socialisme démocratique, minoritaire rue de Solferino, reste vivant. La droite chiraquienne et sarkozyste a conquis le pouvoir en liquidant le gaullisme : liquidation du gaullisme de gauche par Georges Pompidou, liquidation du gaullisme de droite par les chefs de l’UDF et du RPR. Les principes économiques affirmés à la Libération ont été abandonnés, la protection sociale est en cours de destruction méthodique, les institutions sont dynamitées et Nicolas Sarkozy annonce une réintégration complète dans l’Otan.

La question du « relativisme culturel et moral » mériterait d’être précisée. Chez les socialistes, le culte de la personnalité et le goût des hiérarchies m’a toujours sidéré mais il est vrai que les oligarques de gauche ont remplacé la révolution sociale par divers bouleversement (Pacs, etc.) dans le domaine des mœurs. Le débat sur les mères porteuses au sein du gouvernement montre que la droite sarkozyste n’a pas rompu avec le relativisme moral. Quant à la culture, les libres propos de Nicolas Sarkozy montrent chaque jour son mépris de la langue française.

Enfin, l’envolée sur les vertus indique la confusion des valeurs qui règne en haut lieu (depuis quand la réussite est-elle une vertu ?) et relève de la propagande. Qu’en est-il de la « responsabilité » d’un homme qui trahit comme jamais la fonction arbitrale pour se faire l’agent de l’oligarchie contre les salariés, les commerçants, les entrepreneurs, les retraités... dont beaucoup votent à droite ? Y a-t-il, à l’Élysée et à Matignon, le moindre « respect » pour le choix des électeurs lors du referendum de 2005 ?

La défaite idéologique de la droite ne tient pas seulement à l’échec doctrinal de l’ultra-libéralisme, ici maintes fois souligné, mais dans le mouvement de révolte qui secoue la France mais qui n’a pas encore trouvé son expression politique.

Bertrand RENOUVIN