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Jean-Luc Mélenchon est un coureur de fond qui se dirige fièrement vers une impasse. J’écris ces mots avec regret car le candidat de la France insoumise a des qualités qui sont devenues rares dans le milieu politique. C’est un homme de convictions, servies avec intelligence et courage. Son entrée en campagne fut gaullienne – il sut s’adresser directement au peuple - et il est resté libre de toute allégeance partisane au grand dam du Parti communiste. Il défend des idées socialistes et le mot d’ordre de la planification écologique est, quel que soit l’avenir du candidat, de très grande portée. Nous lui avons adressé ici même nos critiques et nous les reprendrions volontiers, pour les développer ou les amender, si nous ne butions sur le premier point du programme mélenchonien qui inspire le Défilé pour la 6ème République du 18 mars.
Pour Jean-Luc Mélenchon, la première urgence est d’abolir la monarchie présidentielle par l’élection d’une assemblée constituante qui restaurerait le pouvoir populaire. Le candidat précise qu’il démissionnera de sa fonction dès l’élection de cette Constituante mais la procédure qu’il envisage est pour le moins expéditive : Jean-Luc Mélenchon annonce qu’il « convoquera » une assemblée constituante… mais il ne prévoit pas la consultation du peuple souverain sur ce point. Nous nous souvenons, nous, que le Gouvernement provisoire de la République française avait posé au peuple français, le 21 octobre 1945, la question suivante : « Voulez-vous que l’Assemblée élue à ce jour soit constituante ? ». Nous nous souvenons aussi que le premier projet constitutionnel avait été présenté au peuple souverain qui l’avait rejeté par référendum le 5 mai 1946. Il avait fallu élire une nouvelle Constituante, le 2 juin, qui avait rédigé la Constitution de la IVème République, adoptée le 13 octobre 1946.
Je donne les dates pour souligner la longueur du processus et ses aléas. À la Libération, la rédaction d’une nouvelle Constitution était indispensable et il y avait, sous la présidence du général de Gaulle, un Gouvernement provisoire qui tirait son autorité de l’insurrection nationale et de la participation de l’Armée française à la victoire : il était dès lors possible de mener une action politique résolue. Nous ne sommes plus du tout dans cette situation puisque la nation vit une crise de légitimité et de souveraineté. Si Jean-Luc Mélenchon démissionne après l’élection de la Constituante, il faudra élire un nouveau président de la République qui devra composer avec le gouvernement issu de l’Assemblée nationale constituante – ce qui ajoute de nouveaux aléas et risque d’aggraver la crise de légitimité et d’empêcher la résolution de la crise de souveraineté. Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon suppose, sans le dire, que les députés de la Constituante seront majoritairement favorables au programme de la France insoumise. C’est un pari. Rien ne dit qu’il sera tenu.
J’avoue ne pas lire toutes les déclarations de Jean-Luc Mélenchon et il est possible que de rassurantes précisions, quant au respect de la souveraineté du peuple, m’aient échappé. Dans l’attente d’une mise au point, je maintiens que la crise multiforme qui frappe la nation exige dans l’immédiat le maintien de la Vème République en raison des pouvoirs qu’elle accorde au président de la République et, à court terme, une révision de la Constitution. A cet égard, la Nouvelle Action royaliste insiste depuis longtemps sur la nécessité de :
- Rétablir la fonction présidentielle en assurant au chef de l’État un mandat plus long que celui des députés ;
- Contraindre le Premier ministre à sa tâche – il « dirige l’action du Gouvernement » - en lui interdisant de se présenter à l’élection présidentielle qui suit son entrée en fonctions ;
- Renforcer la représentation nationale par l’élection des sénateurs au suffrage universel direct et à la proportionnelle intégrale.
Jean-Luc Mélenchon se trompe sur l’urgence. Il veut d’abord la refondation constitutionnelle et il risque d’affaiblir l’État dans une période critique. Il faudrait qu’il s’appuie sur ce qui tient encore debout dans l’édifice pour réaffirmer la souveraineté de la nation. Dans l’épreuve de force avec Berlin, Francfort, Bruxelles et Washington, il pourrait réaffirmer la légitimité du pouvoir politique et du chef de l’État, « garant de l’indépendance nationale ». Par phobie de la monarchie présidentielle, l’admirateur de Fidel Castro et d’Hugo Chavez s’est jeté dans une impasse.
Bertrand RENOUVIN
[Après la publication de cet édito, Bertrand Renouvin a fait son autocritique (Royaliste n° 1119 – page 3) après les remarques faites par nos lecteurs…].