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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

L'espoir burkinabé

Editorial du magazine royaliste N°1134 | du 11 décembre 2017 au 25 décembre 2017
mercredi 27 décembre 2017 | Thème: géopolitique
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La tournée africaine d’Emmanuel Macron nous aura permis d’assister à Ouagadougou, la capitale du Burkina-Faso, à un événement majeur. Il ne s’agit pas du discours tenu par notre Président, assez semblable dans sa substance à du Lionel Jospin remastérisé pour faire jeune. Bien sûr nous allons analyser ses propos, même si nous savons qu’Emmanuel Macron a l’habitude de promettre tout et, « en même temps », le contraire de tout. Mais il nous faudra surtout juger sur pièces, car certaines de ses déclarations montrent déjà la limite des promesses faites. Sur le franc CFA, par exemple, ou sur l’esclavage en Libye : impossibles à tenir, ces dernières ont été immédiatement démenties par l’UE et l’UA.

Non, l’événement majeur est venu des étudiants. Qu’avons-nous vu, à Ouagadougou ? Des jeunes gens, filles et garçons, certainement sélectionnés avec soin par l’Université, mais qui après avoir posé les quatre questions « officielles » prévues, ont rapidement débordé un maître de cérémonie impuissant face à l’indépendance d’esprit de l’amphithéâtre. Qu’ils aient été pleins d’aisance ou paralysés par le trac, les étudiants burkinabés ont fait preuve, comme tous les étudiants du monde, d’une spontanéité frisant l’indiscipline, et d’une grande liberté d’expression face à leur président et au nôtre. Ils ont courageusement posé leurs propres questions, souvent pertinentes, parfois stupides, comme font tous les étudiants. Ils en ont commenté les réponses dans un brouhaha anarchique et poussé dans ses retranchements un Emmanuel Macron si enivré par l’ambiance qu’il n’a pas su éviter certains débordements, allant jusqu’à lâcher des plaisanteries presque insultantes sur son hôte. Bref, un amphi vivant, intelligent, enthousiaste, en un mot : banal, sans exotisme, tel qu’on en trouverait dans toutes les villes universitaires d’Europe. Des étudiants du monde moderne.

Par ailleurs, ces jeunes nous ont montré qu’ils assumaient toute leur histoire, précoloniale, coloniale, postcoloniale et actuelle sans complexe ni états d’âme. Fiers de leur pays et de son passé récent, jaloux de son indépendance, sûrs de la vigueur de leur société, ils nous ont rappelé plusieurs fois que le Burkina-Faso était historiquement « le pays des hommes intègres ». Cela ne les empêche pas d’être conscients de ses faiblesses et de ses forces, des besoins en développement et coopération, des difficultés à venir et de la réalité complexe d’un continent qu’ils vont bientôt avoir à prendre en mains.

La jeunesse étudiante est le reflet de son pays. Elle nous montre que le Burkina-Faso, jadis territoire arbitrairement découpé dans la carte de l’Empire colonial, est devenu une vraie nation, avec ses structures politiques, son économie, son administration, sa culture, tout ce qui constitue un pays. Voilà qui devrait reléguer dans les poubelles de l’Histoire toutes les fiches que l’on continue de nous ressortir sur l’Afrique « hors de l’Histoire », tribale, affamée, misérable et analphabète, engluée dans son passé colonial ; sur l’incapacité intrinsèque de ce continent à s’administrer lui-même, sur son avenir forcément catastrophique du fait d’une démographie incontrôlée ; et surtout sur une émigration massive inéluctable vers les pays riches. Tout ceci est en grande partie dépassé, et nombre de sociétés africaines sont sorties de ce stade postcolonial depuis longtemps.

Bien sûr il reste encore de grandes difficultés (économiques, démographiques, sanitaires, environnementales) et des scories : terrorisme endémique, dictateurs séniles, guerres civiles anachroniques souvent orchestrées, voire fomentées par des maffias de tous les continents dans le but de désorganiser les pays pour s’approprier biens et personnes. Mais l’image globale que les médias donnent de l’Afrique ne correspond plus à la réalité. Et c’est grave, car tant que cette vision fantasmée servira de base à la politique de nos gouvernements, nous ne pourrons avoir de relations décomplexées avec elle.

La transition démographique a commencé plus tard qu’ailleurs, en Afrique ; de ce fait c’est là que se jouera l’avenir de l’humanité à la fin de ce siècle. Il est bon de savoir que le continent est en de bonnes mains, et que notre futur s’y déroulera sinon sans difficultés, du moins sans apocalypse. Les étudiants burkinabés nous rendent l’espoir.

François GERLOTTO