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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Pour réussir une révolution

Editorial du magazine royaliste N°1291 | du 2 janvier 2025 au 14 janvier 2025
jeudi 2 janvier 2025 | Thème: politique
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Élue au Parlement européen sous les couleurs de La France insoumise, Rima Hassan appelle à la “prise de l’Elysée” et à la révolution après avoir incité les “Franco-Palestiniens” à rejoindre la “résistance palestinienne armée”. C’est irresponsable car quelques exaltés pourraient prendre au sérieux cette posture médiatique, inscrite dans la stratégie de la tension préconisée par La France insoumise. L’objectif est de porter bourgeoisement Jean-Luc Mélenchon à la présidence de la République lors de la prochaine élection présidentielle. C’est seulement en cas d’échec face à Marine Le Pen que La France insoumise déclencherait, aux dires de ses dirigeants, une révolution aux allures de guerre civile. C’est ainsi que l’on pourrait passer d’une vision romantique de la “prise de l’Elysée” comme réplique à la prise du Palais d’Hiver, à des violences de rue que Jean-Luc Mélenchon aurait grand mal à contrôler. N’est pas Trotski qui veut.
Une révolution est possible en France, que nous avons annoncée trop à l’avance. Les déficits budgétaires et financiers que les gouvernances successives ne peuvent combler, ni même réduire, montrent qu’il est de moins en moins possible d’acheter du temps pour éviter de nouveaux effondrements économiques et d’autres explosions de colère. Mais cette révolution ne ressemblera ni à celle de 1789-91, ni à celle de 1830, ni à la révolution gaullienne de 1944-45 : les structures sociales, les circonstances et les enjeux sont par trop différents. Remisons aussi les références à l‘imaginaire de 1848 et de 1917 pour souligner les nécessités présentes.
Le renouvellement des élites par éviction d'une oligarchie totalement discréditée fait l’objet d’un large assentiment, de même qu’une politique fiscale permettant de réduire les inégalités sociales en même temps que les déficits. Il faudra aller plus loin. La reconstruction de l’Etat s’impose dès lors qu’on veut rendre à la nation la propriété de ses principaux moyens de production et, plus largement, mettre en application le Préambule de 1946. Une planification conçue comme participation démocratique à la définition des objectifs nationaux permettrait d’associer de nombreux citoyens à la vie politique tout en veillant à ce qu’ils puissent participer à la gestion des entreprises. Concilier les objectifs écologiques, industriels, agricoles et militaires, pour l’ensemble de la collectivité nationale, métropolitaine et ultramarine, ne sera pas une mince affaire…
Cette transformation profonde des structures économiques et des relations sociales sera d’autant plus difficile à mettre en œuvre que la partie occidentale de l’Europe est confrontée aux mêmes impasses et aux mêmes mouvements protestataires, ce qui implique un jeu complexe d’interactions. Les divers populismes ne sont pas à regarder comme des solutions aux crises nationales et à la crise ouest-européenne, mais comme la préface brouillonne de véritables bouleversements. S’il parvient au pouvoir avec son programme actuel, le Rassemblement national se trouvera dans les mêmes impasses que les équipes de l’oligarchie. Et l’alternative ultralibérale qui s’esquisse aujourd’hui à partir des figures de Javier Milei et d'Elon Musk ne nous sortirait certainement pas de l’ornière.
Il est possible que la classe politique continue à nous faire perdre notre temps, en explorant toutes les solutions qui ne remettront pas en cause le libre-échange, le carcan monétaire et la libre circulation des capitaux. Or il s’agit là d’un préalable à un changement profond qui s’inscrirait dans la tradition européenne des révolutions libérales (au sens politique) et nationales du XIXe siècle puis des révolutions démocratiques et sociales accomplies à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Une révolution réussie, c’est tout le contraire d’une violence fondatrice faisant table rase du passé. Elle s'accomplit par le retour aux principes - à commencer par le principe de légitimité - et dans le refus de la répétition d’un passé mythifié, par exemple celui des Trente Glorieuses. Elle s’appuie sur des médiations éprouvées - les communes, les syndicats, l’Etat - ce qui suppose le rétablissement d’un lien étroit entre le passé historique, le présent et l’avenir. Issues d’une révolution réussie en 1958, les institutions de la Ve République peuvent assurer les transformations économiques et sociales évoquées, dès lors qu’on respecterait - pour la première fois - la lettre de notre Constitution sur la nature parlementaire du régime, la fonction déterminante du gouvernement et le rôle arbitral du chef de l’Etat.
L’une de nos tâches est de rappeler que la politique de rassemblement suppose une réinscription dans l’histoire de France tout entière pour la réalisation d’un programme qui est déjà explicité dans des milliers de pages publiées sous diverses formes et dont nous nous faisons régulièrement l'écho.
Ce projet politique latent manque de l’incarnation qui permettrait d'entrer dans le jeu politique pour en bouleverser les données. Telle est la faille qu’il nous faut reconnaître et assumer, dans l’espoir d’une décision personnelle qui viendrait enfin la combler.

Bertrand RENOUVIN