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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

"Le sel de la souveraineté"

Editorial du magazine royaliste N°1127 | du 4 septembre 2017 au 17 septembre 2017
mardi 19 septembre 2017 | Thème: politique
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Emmanuel Macron lit des livres et le fait savoir. Dans l’entretien publié le 31 août par Le Point, le président de la République cite Fernand Braudel et Emmanuel Levinas, fait allusion au Léviathan de Thomas Hobbes, évoque la « révolution copernicienne » du chômage et déclare que dans notre « monde schumpetérien » il faut libérer le processus de « destruction créatrice ». C’est impressionnant, aussi impressionnant que le beau parleur des dîners-en-ville pour qui tout pari est pascalien et tout impératif kantien.

Il ne suffit pas d’enchaîner les citations, il faut encore qu’elles soutiennent la cohérence d’une pensée. Par exemple, on peut douter que la philosophie de Levinas soit compatible avec la « destruction créatrice » dans les sociétés ultralibérales. Il ne suffit pas non plus d’aligner les belles formules sur le nouvel humanisme et sur un « héroïsme politique » qui serait à retrouver : il faut en donner la traduction politique précise si l’on ne veut pas être accusé de payer le peuple de mots sonores. Nous verrons si l’humanisme et l’héroïsme se concrétisent dans les mois qui viennent mais il y a au moins un point sur lequel Emmanuel Macron se montre plat sophiste – lorsqu’il expose ses projets pour l’Union européenne.

Selon le président de la République, « l’Europe doit retrouver le sel de la souveraineté ». L’expression est énigmatique. Faut-il y voir une référence biblique au sel de l’Alliance, une référence évangélique à la terre des hommes nourrie du sel des vertus cardinales et théologales ? L’élu du 7 mai se place certes dans le domaine de la croyance – « je crois en l’Europe » - mais ce n’est vraiment pas la peine de désigner les hauteurs où souffle l’Esprit si c’est pour nous vendre les salades défraîchies de l’Europe démocratique, de l’Europe de la défense et des « standards communs en matière sociale, fiscale et environnementale » qui seraient à « retrouver ».

Emmanuel Macron dit que sa croyance le rend « lucide, donc critique ». Il devrait donc avoir la lucidité de reconnaître que les organes de l’Union sont anti-démocratiques, que l’Europe sociale est aussi incompatible avec la logique ultralibérale que « l’Europe qui protège sur le plan commercial », dont il souligne par ailleurs la nécessité. Il devrait donc avoir la lucidité de reconnaître que la zone euro est un système de contrainte politique régenté par l’Allemagne au lieu d’annoncer qu’il va plaider pour que la zone euro se dote d’une capacité budgétaire, d’un parlement et d’un exécutif. Construire une usine à gaz pour dix-huit pays dans l’usine à gaz des vingt-sept États-membres : ce n’est pas avec ça que l’élu du 7 mai va pulvériser l’hydre populiste.

L’Union européenne est un tel nœud de contradictions qu’il faudrait trancher dans le vif, faire exploser la zone euro, quitter l’Otan et présenter un plan d’organisation confédérale du continent européen assorti de programmes de coopération interétatiques en vue du nouveau mode de développement. Emmanuel Macron est engagé dans la voie contraire, celle de l’enfermement européiste. Ses propos sur la grandeur d’une France qui doit « redevenir une puissance tout court » visent à adoucir l’aveu brutal énoncé un peu plus haut en ces termes : « …je crois que l’Europe est le niveau approprié pour recouvrer notre pleine souveraineté dans les domaines qui ne relèvent plus du seul champ national… ».

En vague écho aux théories du Contrat, Emmanuel Macron nous dit que la souveraineté nationale que nous avons perdue sera retrouvée dans l’Europe souveraine, dont le citoyen français demande la protection de la même manière que chez Hobbes l’individu livré à la guerre de tous contre tous renonce à la liberté au profit du Léviathan – l’État absolutiste – qui va désormais le protéger. Le schéma macronien exclut la démocratie qu’il invoque dans le même texte et constitue une parfaite illusion : la souveraineté nationale, que nous avons refusé d’abandonner en 2005 mais qui a été livrée par morceaux à Bruxelles et Francfort, ne peut être recouvrée au niveau européen parce qu’il n’y a pas d’État souverain, légitime et légalement constitutionnel mais un empilement d’organes étrangers au principe de séparation des pouvoirs et placés sous domination allemande. Nul ne sera dupe de ce tour de passe-passe.

Bertrand RENOUVIN