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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Autriche, Italie: étouffer l’incendie ?

Editorial du magazine royaliste N°1111 | Du 6 décembre 2016 au 19 décembre 2016
mercredi 14 décembre 2016 | Thème: europe
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À Berlin, à Bruxelles et dans les succursales eu­ropéennes, on a commencé par communiquer des émotions. Soulagement, après la défaite de l’extrême droite dans l’élection présidentielle autri­chienne. Inquiétude après la victoire du Non au réfé­rendum italien. Il ne s’agit jamais de comprendre les événements qui concrétisent un processus histo­rique mais au contraire de les nier par divers procé­dés qui vont de la disqualification au coup de force.

À Vienne, l’élection du candidat écologiste contre son rival d’extrême droite n’est pas une « victoire de l’Europe et de l’ouverture » (François Hollande) mais un sursis. Le FPÖ, qui n’avait jamais obtenu autant de voix (46 %), exploite la colère des classes populaires de plus en plus exposées, dans un pays relativement prospère, à la précarité et à la baisse des revenus. Le gouvernement allemand étant décidé à ne rien chan­ger aux dispositifs qui produisent le « populisme », on va oublier l’Autriche et les Autrichiens jusqu’aux élections législatives de 2018 où l’on se mobilisera à nouveau pour « faire barrage » à l’extrême droite.

L’Autriche peut être facilement effacée du paysage mé­diatique. Par son poids économique, l’Italie fait peser un risque majeur sur la zone euro et sur l’Union européenne. Matteo Renzi comptait sur sa jeunesse, sur son charme et sur ses talents de communicant pour « changer le storytel­ling de l’Italie » - pour que les Italiens adoptent le style et les normes de la « mondialisation heureuse ». Mais les Italiens ont chassé l’élégant personnage parce que ses belles images et formules étaient destinées à faire passer les « réformes » ultra-libérales imposées par Bruxelles qui voulait, de plus, cette révision constitutionnelle que le président du Conseil a soumise au référendum.

Comme d’habitude, on dit que le peuple n’a pas répondu à la question qui lui était posée, que Matteo Renzi a eu le tort de personnaliser le référendum et que les partisans « populistes » du Non sont incapables de gouverner. Or il apparaît que dans leur majorité les Italiens ont com­pris ou deviné qu’il y avait un lien étroit entre la volonté de rendre les institutions plus efficaces - par la réduction du rôle du Sénat - et la volonté d’adapter l’Italie aux normes économiques et sociales de la zone euro. Comme les Ita­liens constatent la stagnation de l’activité économique, le taux élevé de chômage, l’augmenta­tion de la dette publique, la fra­gilité du système bancaire, ils peuvent en conclure, au nez et à la barbe des experts accrédités, que la zone euro est un échec et qu’il faut faire, d’une manière ou d’une autre, exploser le système.

Le choix des électeurs italiens étant disqualifié, comme celui des électeurs britanniques et états-uniens ces der­niers mois, le gouvernement allemand et ses supplétifs de l’Eurogroupe vont tenter d’éteindre l’incendie. Toutes les ressources de la propagande seront mobilisées, toutes les recettes politiciennes, tous les trucs de l’ingénierie fi­nancière seront mis en oeuvre pour gagner du temps, dans l’espoir que le peuple italien, comme naguère le peuple irlandais, en viendra à accepter ce qu’il refuse. Mais nul ne saurait oublier que la gouvernance européiste, avec ses lenteurs bureaucratiques et ses mollesses consen­suelles, sait aussi réussir des coups de force. Panagiotis Grigoriou (1) rappelle que Georges Papandreou a été démissionné par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy lors du sommet de Cannes en octobre 2011. Silvio Berlus­coni fut pareillement débarqué à Rome au profit de Ma­rio Monti en novembre 2011 et nous savons comment l’Eurogroupe sous la férule de Wolfgang Schäuble a contraint le gouvernement grec à la capitulation en 2015.

Il est vrai que les formations « populistes » ne par­viennent pas à traduire en projets politiques cohérents les colères populaires qu’elles savent attirer et retenir. Mais le mouvement dialectique n’est pas terminé. Fai­blement structurés, les partis « populistes » peuvent connaître des transformations majeures. Et nous consta­tons depuis longtemps qu’il existe en France, en Eu­rope, aux États-Unis, une extraordinaire vitalité intellec­tuelle. Ignorés par les politiciens, marginalisés dans les médias, ce travail et ce débat collectifs sont en train de faire naître une nouvelle conscience politique. L’Union européenne est morte comme était morte l’Union sovié­tique en 1980. La date du prochain enterrement n’est pas prévisible mais il faut dès maintenant préparer la reconstruction de la France et de la grande Europe.

Bertrand RENOUVIN

(1) Cf. son blog http://www.greekcrisis.fr