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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Avec le peuple grec

Editorial du magazine royaliste N°1006 | 
lundi 6 février 2012 | Thème: économie
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La Grèce est un laboratoire. C‘est là que des fonctionnaires bruxellois, des agents du FMI et des banquiers se livrent à des expérimentations sur le vif. Il s’agit de mesurer le degré de résistance d’une population donnée aux souffrances provoquées par des programmes successifs de remboursement des dettes.

L’idéal, pour les maîtres de la Grèce, c’est que cette résistance soit passive, de plus en plus résignée et d’autant plus désespérée qu’on a pris soin, en début d’expérience, d’étaler à la face du monde les péchés du peuple grec, paresseux, voleur, jouisseur. Comme toujours lorsqu’une caste dirigeante ruine et trahit son pays, on accuse le peuple d’avoir cédé à l’esprit de jouissance et on lui ordonne de renouer avec le sacrifice. C’est cette logique sacrificielle qui se manifeste de manière implacable.

Les recettes des laborantins de la Troïka (1) sont connues : baisse des salaires dans la fonction publique puis dans le secteur privé ; diminution du nombre des fonctionnaires, réduction de la protection sociale, privatisations massives et liquidation progressive du patrimoine national. Tout cela n’empêche pas la corruption de flamber, tandis que les véritables détenteurs de privilèges fiscaux continuent de vivre dans l’impunité.

Résultat ? L’échec complet de la Troïka et des gouvernements successifs : la récession se creuse, le chômage ne cesse d’augmenter (18 % de la population active) et le gouvernement cherche à gagner un peu de temps en renégociant avec les banques une partie de la dette grecque, afin qu’elle ne représente plus que 120 % du PIB en 2020. Admettons l’invraisemblable : baisse des taux d’intérêt, rétablissement des finances publiques malgré la récession et le chômage, respect vertueux des plans de remboursement… Dans la Grèce rêvée par les laborantins, les chiffres seraient rassurants mais il n’y aurait plus que misère et désespoir.

Ce n’est pas une anticipation pessimiste, mais une réalité déjà tragiquement éprouvée. Dans ses remarquables articles (2), Panagiotis Grigoriou décrit la vie quotidienne d’un peuple victime de l’expérimentation ultra-libérale : les uns quittent la ville pour se réfugier à la campagne, d’autres prennent de chemin de l’exil et ceux qui restent connaissent des restrictions de temps de guerre : ils ont froid cet hiver, ils ne mangent pas à leur faim, ils bradent les moindres objets.

Croit-on vraiment, à Washington, à Bruxelles et à Berlin, que le peuple grec se contentera de vivre au jour le jour, rendu docile par le chômage ou par la crainte de perdre un maigre salaire ? Ce calcul a été fait voici deux ans et nos médias diffusaient alors des sondages « prouvant » que la population grecque acceptait les mesures d’austérité. Quelques défilés de grande ampleur dissipèrent ce mensonge et ces médias sont devenus très discrets sur les grèves générales et les manifestations, violemment réprimées, qui expriment la révolte contre la Troïka et le gouvernement fantoche.

De fait, la Grèce est en état d’insurrection : les ministres et les députés ne peuvent plus sortir dans la rue et certains d’entre eux ont été physiquement agressés ; les fonctionnaires étrangers sont haïs, surtout lorsqu’ils portent un nom allemand, et pourchassés. Mikis Theodorakis exprime un sentiment général lorsqu’il déclare que « les Européens nous amènent sur la voie de la violence, nous allons exploser et nos politiciens exploseront eux aussi, avec nous ».

L’expérimentation ultra-libérale a totalement échoué. On peut publier toutes les statistiques possibles sur le laxisme grec, on peut censurer les images de l’insurrection dans les rues d’Athènes et de Salonique, on peut se réjouir d’un accord entre les oligarques et les banquiers – mais rien n’empêchera le peuple grec d’aller au bout de sa révolte, qui se répandra dans la zone euro. La Troïka a voulu isoler la Grèce et assommer son peuple par une thérapie de choc, escomptant intimider les autres peuples.

C’est raté. Les Portugais, les Espagnols, les Irlandais, puis les Français et, un jour ou l’autre, les Allemands résisteront comme les Grecs et avec eux.

Bertrand RENOUVIN

(1) Fonds monétaire international, Banque centrale européenne, Commission européenne.

(2) Greek crisis, Carnet de notes d’un anthropologue en Grèce, http://greekcrisisnow.blogspot.com/