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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Cause commune

Editorial du magazine royaliste N°1083 | du 8 septembre 2015 au 21 septembre 2015
samedi 19 septembre 2015 | Thème: politique
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Après la capitulation d’Aléxis Tsipras, l’immense déception des adversaires de l’euro a été suivie, dans la gauche « radicale » et chez les écono­mistes hétérodoxes, de réactions confuses assorties d’une polémique aberrante. Pour une fois bien ins­piré, Jean-Luc Mélenchon déclare qu’entre la France et l’euro, il choisit l’indépendance tandis que la direc­tion du Parti communiste s’obstine à défendre la pré­tendue « monnaie unique ». À nouveau mal inspiré, le co-président du Parti de gauche rejette avec hauteur le projet de dialogue entre « républicains des deux rives » proposé par Jean-Pierre Chevènement. Dans le même temps, une violente attaque est menée contre Jacques Sapir, accusé à partir de textes tronqués de préparer une alliance avec le Front national. (1) Au lieu de concentrer le feu sur le quartier général de l’oligarchie, la direction du Parti de gauche, Media­part, Libération, Frédéric Lordon et d’autres inté­gristes malvoyants accablent ce chercheur « isolé » qui a, par son blog, des centaines de milliers de lec­teurs. Il est vrai que les Purs n’ont pas besoin de stra­tégie et que la défaite leur donne le doux plaisir d’être géniaux et incompris.

Deux illusions s’ajoutent à cette confusion. Celle de l’euro démocratique, cultivée par Arnaud Mon­tebourg et qui conduit à l’impasse du fédéralisme européen. (2) L’illusion du retour à la base, toujours séduisante en période de revers. Quand des militants politiques – je n’évoque pas ici l’indispensable en­gagement syndical et associatif - annoncent qu’ils veulent être « au plus près des gens » pour « créer des espaces de dialogue » sur les « vraies questions », ils donnent le désespoir de penser que tout est à re­commencer. Surtout, la stratégie du refuge laisse le champ libre à la violence ultra-libérale qui est en train de détruire les petites exploitations agricoles et les petits commerces tandis que le gouvernement pré­pare une nouvelle offensive contre le droit du travail. Nous attendons, nous espérons une radicalisation des luttes paysannes et une réaction syndicale de grande ampleur face à la destruction du Code du travail mais c’est l’action politique nationale et internationale qui sera décisive. Quant à celle-ci, le paysage est pour le moins contrasté.

La puissance intellectuelle et programmatique du cou­rant hétérodoxe est avérée. Désigné comme l’objectif à détruire en priorité, l’euro a été mis en péril en Grèce à la suite d’une victoire élec­torale et par un gouverne­ment qui reposait sur une alliance entre droite patriote et gauche « radicale ». L’échec n’est pas dû à une er­reur stratégique mais à la défaillance d’un homme et d’une équipe : dans tous les pays soumis à l’euro, il faut conquérir le pouvoir politique par la constitution de « fronts de libération nationale » comme le pro­pose Stefano Fassina (3) et par la coopération entre ceux-ci.

En France, les thèmes hétérodoxes sont massivement diffusés et irriguent plus ou moins fortement les par­tis anti-oligarchiques et anti-austéritaires. À droite, le courant patriote incarné par Nicolas Dupont-Aignan et le courant nationaliste de Marine Le Pen sont an­tinomiques et dénoncent la zone euro sans que l’un ou l’autre puissent concrétiser cette opposition. À gauche, la radicalité s’exprime par un sectarisme as­sorti de compromis tactiques - des communistes avec les hollandistes, des mélenchoniens avec les Verts lors des élections locales. Après avoir tiré un trait sur la social-démocratie européenne, il faut prendre défi­nitivement son parti des exclusives formulées par les dirigeants de la gauche « radicale » et souhaiter du radicalement nouveau.

Ce n’est pas impossible. La bataille intellectuelle est depuis longtemps gagnée par les hétérodoxes qui ont créé autour d’eux un courant populaire anti-euro au sein d’une population très majoritairement hostile à l’Europe des traités. Ce courant anti-euro existe à l’intérieur de tous les partis de gauche, où de nom­breux militants font cause commune avec la masse des inorganisés et avec les fractions les plus déter­minées du syndicalisme des salariés et des paysans. Si les directions politiciennes sont incapables de s’entendre, l’initiative d’un rassemblement devra être prise en dehors des partis par ceux qui ont su articuler l’hétérodoxie économique à un projet politique pour la nation.

Bertrand RENOUVIN

(1) Les événements de l’été sont commentés sur mon blog : http://www.bertrand-renouvin.fr/

(2) Cf. l’analyse de Coralie Delaume : http://l-arene-nue.blogspot.fr/2015/08/euro-que-dit-lautre-gauche.html?m=1

(3) Ancien membre du Parti démocrate italien, qui fut vice-ministre dans le gou­vernement Letta.