Pour adhérer à la NAR, vous trouverez dans les onglets "Agir" puis "Adhérer à la NAR" de cette page la déclaration de principe à laquelle chaque adhérent doit souscrire et le bulletin d'adhésion à retourner au siège de la NAR : NAR, Bloc C, BAL 13, 36-38 rue SIBUET, 75012 PARIS.
Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Coups de boutoir

Editorial du magazine royaliste N°1067 | du 6 décembre au 19 décembre 2014
vendredi 5 décembre 2014 | Thème: politique
Recommandez:

La clef d’interprétation de la politique gouvernementale est aujourd’hui plus que jamais la déréglementation de notre économie vue par les rapports d’experts sans autre légitimité que celle qu’ils s’octroient.

Ce ne sont plus, en effet, les soixante engagements pris par François Hollande durant la campagne présidentielle de 2012 qui inspirent la politique gouvernementale, mais les 316 propositions de la commission « pour la libération de la croissance française », présidée par Jacques Attali entre juin 2007 et janvier 2008, qui ne sont rien d’autre qu’un catalogue de suppressions des dernières contraintes réglementaires qui encadrent l’économie française.

Comment peut-il en être autrement dès lors que le principal rédacteur du rapport de cette commission est, depuis août dernier, ministre de l’Économie et de l’Industrie ? C’est donc à Emmanuel Macron qu’il incombe d’achever le travail de sape de notre système économique et social entamé en 1983 par Jacques Delors et poursuivi, depuis, par tous les gouvernements, jusqu’à le faire entrer dans sa phase ultime sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

L’actuel locataire de Bercy, à travers son projet de loi « pour l’activité économique » qui devrait être soumis au conseil des ministres dans les prochains jours, compte ainsi mettre en oeuvre les mesures qu’il préconisait, il y a sept ans, mais que le gouvernement Fillon n’avait pas eu le temps, la volonté ou l’occasion d’imposer. Axe principal de ce projet de loi fourre-tout : la réforme des professions réglementées, dont on nous promet un surcroît d’activité de 0,5 point de PIB et 125 000 créations d’emplois. Outre que cet argument ne repose sur aucun fondement, on peut craindre que cette réforme, qui pourrait s’accompagner dans l’immédiat d’une libéralisation des secteurs concernés et d’une création de microentreprises, conduise, à terme, à une concentration au bénéfice des plus grosses structures sans répercussions positives sur l’emploi, comme cela s’est produit lors de la libéralisation des radios libres : aujourd’hui, la bande FM est colonisée par les multinationales ; le même constat peut être fait pour la télévision et les supérettes des centres villes.

Seule la volonté de renforcer la concurrence et de l’ériger en système peut motiver un tel acharnement, comme en attestent d’autres dispositions de ce projet de loi qui visent à remettre en cause le droit du travail, notamment celles qui concernent les plans de sauvegarde de l’emploi (ou plan de licenciement) et le repos dominical qui ne créera pas d’emplois, le pouvoir d’achat des ménages n’étant pas extensible.

Autre coup de boutoir porté contre notre édifice économique et social par des experts : le rapport commandé par les ministres allemand et français de l’Économie à Henrick Enderlein et Jean Pisani-Ferry pour stimuler la croissance. Les deux rédacteurs ne proposent rien moins qu’un gel des salaires de trois ans, une flexibilité accrue du marché du travail et un assouplissement des 35 heures. Ces préconisations justifient a posteriori la politique actuelle : le gel des salaires est plus ou moins déjà en germe dans le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), et la flexibilité du marché du travail est acquise depuis longtemps. Quant aux 35 heures, ce que réclame le patronat, ce n’est pas tant leur suppression - on peut d’ores et déjà y déroger par simple accord d’entreprise - que la suppression de la durée légale du travail, qui permet de fixer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Si elles ne comportent rien de neuf, elles annoncent, en revanche, de nouvelles attaques contre le monde du travail et confirment la démission du politique face aux puissances économiques et à leurs experts. Or, c’est l’effacement du politique qui se trouve à l’origine des crises économique, financière et sociale que nous connaissons.

Le premier choc pétrolier - qui plonge le monde dans le chaos - intervient, en effet, juste après la première démission du politique : la décision prise par Richard Nixon, alors président des États-Unis, de suspendre la convertibilité du dollar en or, le 15 août 1971. Celle-ci scelle la fin des accords de Bretton-Wood, d’une organisation du système monétaire à l’échelon international autour de taux de change fixes et l’adoption du régime de changes flottants qui laisse les marchés décider de la valeur des monnaies entre elles à la place des États.

Conséquences : la baisse du dollar entraîne une chute des revenus des pays producteurs de pétrole. La crise de la dette que connaît la France remonte, elle aussi, à cette époque lorsque est adoptée la loi Giscard de 1973 qui, de fait, interdit au Trésor public de se financer auprès de la Banque de France : il s’agit là, également, d’une capitulation du politique. Depuis, la France n’a pas connu un seul exercice budgétaire équilibré. La sortie de crise ne passe pas par une accélération de la déréglementation, la mise à mal de notre système économique et social, et par l’instauration d’une VIe République qui constituerait une fuite en avant, mais par une réhabilitation de l’autorité et de la décision politiques qui a le souci du bien commun.

La déréglementation à l’oeuvre doit enfin nous rappeler la maxime de Lacordaire : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »

Nicolas PALUMBO