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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Des experts sont arrivés

Editorial du magazine royaliste N°1001 | 
lundi 28 novembre 2011 | Thème: europe
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Et voici l’arrivée des experts, intelligents et cultivés, riches de responsabilités accumulées au cours d’une existence tout à fait digne – le contraire des vulgarités et des désordres d’un Berlusconi.

Mario Draghi, Lucas Papadémos et Mario Monti ont étudié l’économie aux États-Unis et enseigné cette discipline dans leur pays avant de faire les belles carrières qui les ont conduit à de très hautes fonctions. Avant de devenir président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi était président de la Banque d’Italie. Avant de devenir Premier ministre, Lucas Papadémos fut gouverneur de la Banque de Grèce puis vice-président de la BCE. Et Mario Monti, nouveau chef du gouvernement italien, fut commissaire européen chargé du Marché intérieur puis de la Concurrence. Tous trois ont été choisis pour inspirer confiance aux « marchés », avec l’appui de la chancelière allemande et de son supplétif parisien.

Avec leur bagage intellectuel et leur compétence, ils semblent mieux armés que quiconque pour affronter la crise. Tel est du moins l’opinion dominante des journalistes de cour, qui cultivent avec plus ou moins de lyrisme une parfaite illusion.

L’expertise de ces experts a déjà été prise en défaut : tous trois exerçaient d’importantes responsabilités lorsque la Grèce est entrée dans la zone euro. On dit maintenant qu’il n’aurait pas fallu accepter les Grecs mais ils n’ont vu ni les faiblesses du pays ni le maquillage des comptes par Goldman Sachs, qui fut l’employeur de Mario Draghi et Mario Monti… Nos trois éminences sont d’autant plus médiocres dans leurs expertises qu’elles n’ont pas vu venir la faillite de la banque Dexia et les énormes pertes - 10 milliards d’euros – récemment avouées par le groupe italien Unicredit.

Leur expertise est d’autant plus douteuse que le trio n’a jamais fait preuve de la neutralité et de la rationalité que l’on prête aux techniciens de la « gouvernance ». MM. Draghi, Papadémos et Monti sont acquis à l’idéologie du libre échange, soumis aux spéculateurs et convaincu que la confiance des « marchés » s’obtient en sacrifiant les peuples sur l’autel de l’austérité. Ils récusent la sortie de l’euro, la nationalisation du crédit et la protection des économies européennes qui permettraient de juguler la crise. On les comprend : le milieu qu’ils protègent leur assure une existence confortable qui leur permet d’accumuler du capital matériel et du capital symbolique.

Procès d’intention ? Non. Pour les juger, il est inutile d’attendre qu’ils aient agi. Leurs intentions sont claires : l’austérité renforcée, méthodique, pour de longues années. Ils répèteront sur tous les tons qu’il n’y a pas d’autre choix. C’est une intimidation classique, doublée d’une imposture.

Le trio Draghi-Papadémos-Monti et les oligarques du même tonneau ne peuvent brandir les enseignements de la science économique pour justifier les mesures qu’ils prennent. La leçon à retenir aujourd’hui, c’est l’échec total des politiques de déflation. La baisse des salaires et des prix décidée par le chancelier Brüning en 1932 provoqua un énorme chômage et fut l’une des causes de la victoire des nazis un an plus tard ; celle menée par Pierre Laval en 1935 eut des résultats moins tragiques mais la droite libérale qui imposa la déflation fut battue par le Front populaire.

Les oligarques peuvent-ils nous opposer leur « pragmatisme » ? Là encore, leur discours ne tient pas car la politique d’austérité appliquée à la Grèce, à l’Espagne et au Portugal engendre la récession et le chômage sans que la dette s’en trouve allégée – bien au contraire. Curieux experts, qui ne tiennent compte ni de l’expérience, ni de très banales expertises !

Alors ? Alors les oligarques nous paient de mots. On nous dit que les Allemands accepteront les euro-obligations, au mépris de la cour de Karlsruhe qui, s’appuyant sur ses précédents arrêts, les déclarerait contraires à la Loi fondamentale du pays. On souhaite l’intervention massive de la Banque centrale européenne en oubliant que son indépendance et sa mission anti-inflationniste ont été inscrites dans le Traité de Lisbonne, au nom de présupposés idéologiques soudain mis de côté. Surtout, on fait le pari que les populations sacrifiées ne parviendront pas à bloquer le dispositif déflationniste. C’est compter, sans le dire, sur la répression violente des mouvements de révolte.

Bertrand RENOUVIN