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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Désastres à l'américaine

Editorial du magazine royaliste N°1059 | du 21 juin 2014 au juillet 2014
samedi 21 juin 2014 | Thème: géopolitique
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Après la chute de Fallou­ja en janvier, la prise de Mossoul et Tikrit à la mi-juin reporte tout à coup l’attention sur l’Irak. Il ne s’agit pas seulement d’une succession d’opérations djiha­distes bien menées mais d’un soulèvement général des tribus sunnites marginalisées par les autorités de la capitale. Plus que le gouvernement irakien, ce sont les Américains qu’il faut accuser : ce sont eux qui ont fa­briqué le système des commu­nautés ethniques et confession­nelles aujourd’hui effondré.

Ce nouvel échec de la guerre à l’américaine et de la diplomatie des États-Unis devrait faire réfléchir les États nationaux qui s’abritent derrière l’Otan et les peuples ou les partis qui regardent avec sym­pathie les envoyés de Washing­ton. Je sais que les mises en garde ne pèsent guère face à des agents qui utilisent sans le moindre scru­pule l’intimidation et la corrup­tion. Mais il faut tout de même rappeler aux jeunes générations, en Europe et ailleurs, les causes et les conséquences des échecs amé­ricains car il n’est pas impossible que de nouvelles élites décident, un jour ou l’autre, de refuser les voies prescrites par les États-Unis.

Il y a eu le Vietnam. À la suite d’une guerre mal comprise et mal conduite, en dépit des bom­bardements massifs et du re­cours aux armes chimiques, le Vietnam et le Cambodge ont été conquis par des communistes qui ont installé des dictatures ici implacables et là génocidaires.

Il y a eu, en 1999, la guerre d’agression contre le Kosovo. Au cours de cette prétendue « guerre morale », les frappes aériennes de l’Otan sur la Serbie et le Monténégro n’ont pas per­mis d’unifier le pays et de régler les conflits entre ses habitants. Nul ne s’intéresse aux crimes commis par les extrémistes de l’UCK (1) et aux débris de pro­jectiles à l’uranium appauvri qui provoquent et provoqueront d’innombrables cancers sur des terrains contaminés à jamais.

Il y a eu la guerre d’Irak entre 2003 et 2011. Menée sans l’ac­cord des Nations unies, cette guerre a fait plus d’un million de morts et provoqué l’exil de deux millions d’Irakiens ; les États-Unis ont dépensé 4 000 milliards de dollars pour abou­tir, onze ans plus tard, à une catastrophe sans fin prévisible.

Il y a eu la guerre de Libye. Menée par les néo-conserva­teurs français et britanniques avec l’accord et l’aide des Américains, elle a provoqué hors du mandat des Nations Unies la chute d’une dictature et laissé le pays s’engager dans un processus de décomposition qui menace les pays voisins.

Il y a la guerre d’Afghanistan. Elle va entrer dans une nou­velle phase après le retrait des États-Unis, responsables de­puis 2001 d’innombrables fau­tes politiques et stratégiques, de tortures et d’exécutions sommaires, et qui ont laissé se constituer un narco État miné par la corruption et largement reconquis par les Talibans.

Il y a la guerre civile en Sy­rie. Les Américains ont eu l’in­telligence de ne pas bombarder Damas comme le souhaitaient François Hollande et Laurent Fabius mués à leur tour en clones néo-conservateurs, mais ils ont laissé leurs alliés saoudiens et qataris appuyer les djihadistes.

Il y a la guerre civile en Ukraine. Encouragé et financé par les États-Unis, le mouve­ment insurrectionnel de l’ouest du pays aurait pu conduire à une transition démocrati­que. À Kiev, le coup d’État parlementaire du 22 février a durci les oppositions et provo­qué des affrontements meur­triers. Tout cela pour arrimer l’Ukraine à l’Union européenne et lui faire intégrer l’Otan…

Ce n’est pas fini. L’Otan a ouvert une représentation à Tachkent le 16 mai et l’on s’inquiète des opérations de déstabilisation menées par des agents américains en Asie centrale pour contrer les Rus­ses - au risque de faire ex­ploser diverses poudrières.

Persuadés qu’on ne peut rien faire contre les États-Unis, les dirigeants français sont com­plices de ces manoeuvres irré­fléchies et criminogènes. Ils devraient prendre exemple sur la « petite » Slovaquie et sur la « petite » République tchè­que, qui viennent de refuser le déploiement de troupes de l’Otan sur leur territoire. Il suf­firait que la France réaffirme sa souveraineté pour qu’une autre politique soit possible, afin de contenir puis de refou­ler les boutefeux américains.

Bertrand RENOUVIN

(1) Cf. Jean-Arnault Dérens – « Kosovo, un trou noir dans l’Europe : sur la pis­te de trafics d’organes », Médiapart, 29 juillet 2012.