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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Élections européennes : mise en scène

Editorial du magazine royaliste N°1151 | du 24 septembre 2018 au 7 octobre 2018
mercredi 10 octobre 2018 | Thème: europe
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La campagne pour les élections européennes de mai 2019 est d’ores et déjà mise en scène. Par petites phrases prononcées à Marseille et au Danemark, Emmanuel Macron a prévenu son public : le spectacle qu’il a monté sera tragique.

Toujours au four et au moulin, le Jupiter élyséen a rédi­gé le scénario, distribué les rôles et réglé les éclairages d’une pièce où l’on verra le Bien lutter contre le Mal et l’Intelligence terrasser la Bêtise. La Sainte-Alliance humaniste et progressiste, dirigée par Emmanuel Macron en personne, combattra l’Internationale des mé­chants (1) commandée par Victor Orban, Matteo Salvini et Marine Le Pen.

Ravis de retrouver leur spectacle familier, comme des enfants chez Guignol, les principaux médias ont immé­diatement assuré la promotion de la pièce : crânes rasés et blousons de cuir de Chemnitz pour nous rappeler la peste brune et Marine Le Pen à tous les coins de rue pour sa rentrée politique. À Marseille, lors de sa ren­contre « fortuite » avec Jean-Luc Mélenchon, le chef de campagne de la République en Marche avait tenu à préciser que le patron de la France insoumise n’était pas son « ennemi » - ce qui signifiait que le Rassemblement national, dénoncé comme « dangereux », était l’ennemi à abattre.

Nous voici donc repartis pour neuf mois d’antifascisme obsessionnel sur le thème, battu et rebattu depuis 1983, de l’immigration. Ceux qui, comme nous, se préoc­cupent sérieusement de l’immigration, savent que cette question sera traitée comme simple marqueur idéolo­gique. Le Rassemblement national se posera en bouclier de l’identité menacée par « les migrants » et « l’islam » mais nous ne le verrons pas s’opposer au capitalisme financier, à l’euro, à l’américanisation… mais simple­ment à un « mondialisme » que le nationalisme iden­titaire ne sait ni ne veut détruire. Le bloc oligarchique brandira « les valeurs » en oubliant qu’il utilise la main d’œuvre importée pour comprimer les salaires. Chef du gouvernement, chef du parti dominant, chef de cam­pagne, mais jamais président de la République, Emma­nuel Macron brodera sur son « progressisme » - nouvel enjoliveur de l’impitoyable « réforme » ultralibérale – et sur une Europe réduite à des poncifs – celle du « Gaulois réfractaire » et du Danois luthérien…

Jeux de rôles, batailles sur des fic­tions où les « populistes » et les pro­gressistes trouveront leur compte : Emmanuel Macron veut conforter sa base trop fragile, Marine Le Pen veut se refaire une santé après les déconvenues de 2017, l’une comp­tant sur l’autre et réciproquement.

Un seul dirigeant politique pourrait monter sur scène, abattre le décor et empêcher les acteurs de déclamer leur texte : Jean-Luc Mélenchon. Quant au débat interne sur l’immigra­tion, il pourrait déclarer que les lois sur l’entrée et le séjour des étrangers seront rigoureusement appliquées, que le traité du Touquet sera dénoncé de même que la directive européenne sur le travail détaché et qu’on ces­sera de sous-traiter aux entrepreneurs « humanitaires » des tâches de contrôle et de secours en mer qui relèvent des Marines nationales ou, mieux, de garde-côtes. Cela dit, le chef de la France insoumise pourrait dénoncer le libre-échangisme et le carcan de l’euro en sortant de ses ambiguïtés sur les plans A et B. L’attaque frontale por­tée contre l’oligarchie lui vaudrait le ralliement de nombreux électeurs lepénistes, selon la tendance esquissée en 2017.

Tel n’est pas la ligne qui a été choisie. En déclarant que les élections européennes doivent être un « référendum contre Macron », le chef de la France insoumise person­nalise à outrance un combat qui devrait être mené contre les institutions et les pratiques de l’Union européenne. En désavouant Djordje Kuzmanovic pour ses déclara­tions sur l’immigration, Jean-Luc Mélenchon a donné des gages à sa tendance « sans-frontiériste » et communautariste. Cette tactique politicienne n’a même pas pour elle l’avantage de l’efficacité à court terme puisqu’elle accrédite le clivage « progressistes »-« populistes » sur le thème de l’immigration et entérine l’évacuation du débat salvateur sur l’euro. Si Mélenchon persiste dans ses choix et confirme ses retrouvailles avec la vieille gauche du Parti socialiste, qui n’a jamais rien empêché, beaucoup d’électeurs resteront les bras croisés en mai prochain. À moins qu’un choc extérieur ne vienne brouiller un jeu de rôles trop bien distribués.

Bertrand RENOUVIN

(1) Cf. sous ce titre l’article de Denis Collin : http://la-so­ciale.viabloga.com/news/l-internationale-des-mechants