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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Fin de fictions

Editorial du magazine royaliste N°1147 | du 12 juin 2018 au 25 juin 2018
samedi 16 juin 2018 | Thème: géopolitique
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L’Union européenne se présentait comme l’accom­plissement heureux de l’histoire de l’Europe. Les prophètes de cette « Union » ne se sont jamais inter­rogés sur son inachèvement programmé – puisqu’elle refusait d’englober la Russie. Ses artisans n’ont jamais saisi l’impossibilité logique d’une « inté­gration » qui supposait in fine la désintégration des États nationaux – alors que les nations européennes sont la condition même de l’existence du concert européen et de la civilisation européenne. Ses thu­riféraires n’ont jamais voulu reconnaître qu’il fallait choisir entre l’Europe européenne et la soumission aux États-Unis. Et les fabricants de traités n’ont ja­mais voulu comprendre que ces textes empilés de­puis 1958 ne pouvaient fonder une unité politique mais seulement produire une caricature d’institutions démocratiques et une « gouvernance » parodique.

La somme des impossibilités et des incapacités a produit des nœuds de contradictions. Par différents moyens bureaucratiques et de plus en plus antidé­mocratiques, les européistes ont retardé les explo­sions sans voir qu’ils fabriquaient eux-mêmes les barils de poudre, les mèches et les briquets. Le car­can monétaire suscite la révolte populaire partout dans la zone euro. La crise migratoire provoquée par les guerres américaines et à l’américaine, dont l’Union fut complice ou partie prenante au pré­texte qu’il existerait un « Occident », a été gérée de manière irresponsable par Berlin et Bruxelles, qui ont engendré des réactions populaires dans les pays frontières de l’Union et en Allemagne.

Les élites du pouvoir, des affaires et des médias clament que ces populismes sont ineptes, vulgaires, dangereux, fascistoïdes… mais le travail du négatif se poursuit et s’accélère. Alors, à Bruxelles et à Ber­lin, on fait la part du feu pour sauver le cœur du sys­tème. On laisse le FPÖ faire ce qu’il veut en Autriche puisqu’il ne conteste pas l’euro. En Italie, le prési­dent de la République ne s’oppose pas à l’arrivée de ministres ouvertement xénophobes mais il refuse de nommer un adversaire déclaré de l’euro. De fait, la Commission européenne fera tous les compromis nécessaires sur les migrations, car pour ses fonctionnaires il ne s’agit que d’une gestion des flux qui relèvent selon les cas du laisser-faire, de la régulation ou du refoulement.

Mais pour sauver la « monnaie unique », pas de compromis pos­sible ! Contre les dissidents potentiels, contre les hérétiques, la guerre a été, est et sera sans pitié. Sou­tenus par la presse allemande, jamais avare d’injures quand il s’agit des Grecs, le gouvernement de Berlin et ses annexes de Bruxelles et Francfort ont montré en 2015 qu’ils pouvaient anéantir les velléités de résistance d’un gouvernement et infliger au peuple une punition qui ne sera jamais levée. En Italie, la formation du gouvernement issu des élections s’est accompagnée de manœuvres de sérail et d’opérations financières de déstabilisation orchestrées par les com­mentaires et les couvertures haineuses de la presse al­lemande. Emmanuel Macron est lui aussi confronté à la rigidité allemande mais, parce qu’il ne touchait pas à l’essentiel, son projet de réforme de la zone euro a bénéficié d’un rejet poli, assorti de concessions appa­rentes sous la forme d’un petit budget d’investisse­ment et d’un éventuel « fonds monétaire européen » chargé de traiter à la schlague les États trop endettés.

La rigidité allemande n’empêchera pas l’explosion de la zone euro. Elle pourrait même accélérer une dynamique libératrice qu’Emmanuel Macron refuse d’anticiper. De même, le président des riches refuse d’admettre la fin de la fiction du marché mondialisé. Les États-Unis ont toujours voulu le libre-échange pour les autres mais pas pour eux. Donald Trump le rappelle brutalement à des « partenaires » qui lui opposent leur foi naïve dans les vertus du compro­mis entre membres du club occidental. En retirant sa signature du communiqué final du G7, le président des États-Unis a ajouté à l’affirmation de sa volonté de puissance une humiliation calculée. Les fiers-à-bras de Paris et d’Ottawa, comme la dame teutonne, continueront de courber l’échine en quémandant des aménagements dans le régime des coups de bâton.

Bertrand RENOUVIN