Pour adhérer à la NAR, vous trouverez dans les onglets "Agir" puis "Adhérer à la NAR" de cette page la déclaration de principe à laquelle chaque adhérent doit souscrire et le bulletin d'adhésion à retourner au siège de la NAR : NAR, Bloc C, BAL 13, 36-38 rue SIBUET, 75012 PARIS.
Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Harcèlement réformiste

Editorial du magazine royaliste N°1073 | 27 février 2015 au 11 mars 2015
samedi 28 février 2015 | Thème: économie
Recommandez:

Plus que les querelles internes au Parti socialiste et plus que l’absence d’alternative poli­tique à droite, le lamentable épisode de la loi Macron « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » (qui compte quelque deux cents articles traitant pêle-mêle de l’ouverture à la concurrence du transport par car, de l’extension du travail du dimanche, de la réforme des pro­fessions du droit et des conseils de prud’homme, des licenciements collectifs et offre même la possi­bilité aux postiers de faire passer le permis de conduire), révèle une nouvelle soumission de la France aux diktats de Bruxelles et de Ber­lin, et un nouveau renoncement de Manuel Valls aux valeurs de justice sociale fondatrice du socialisme, sinon du Parti socialiste.

Initialement, le débat du pro­jet de loi à l’Assemblée nationale devait durer deux semaines pour une adoption du texte en première lecture dans la foulée, soit, avant le 27 février, date à laquelle la Com­mission européenne doit rendre publique ses nouvelles recomman­dations pour la France. Il était donc important que le projet de loi Ma­cron soit adopté avant, au risque de voir Bruxelles refuser à la France le report à 2016 ou 2017 du délai nécessaire pour atteindre les 3 % de déficit public. Mais le retard accumulé, du fait du nombre élevé d’amendements, et la menace de rejet que faisaient peser les députés PS frondeurs risquaient de pertur­ber le calendrier de Manuel Vals et de son ministre de l’Économie. D’où le recours à l’article 49.3 de la Constitution : le texte a, ainsi, été entériné sans vote après le rejet par les députés de la motion de censure déposé par l’UMP et l’UDI.

Le Premier ministre a donc em­porté une première bataille qui lui permettra de se présenter serein de­vant ses censeurs, mais le risque est grand que Bruxelles ne se contente pas de cette loi qui, à ses yeux, ne va pas assez loin. De même que, il y a un an, tout en décernant un satisfecit au Crédit d’impôt pour l’activité et l’emploi (CICE) et au Pacte de responsabilité, elle repro­chait leur timidité à ces deux dis­positifs, pourtant favorables aux entreprises et pénalisant pour les ménages. D’où cette déclaration de Manuel Valls le 19 février devant les députés : « Nous continuerons sans relâche à réformer ». D’où, également, l’entretien d’Emmanuel Macron au Journal du dimanche, trois jours plus tard : « de nouvelles réformes sociales arrivent ». Ainsi, après la loi Macron I se profile une loi Macron II ou son équivalent. Les orientations du Programme na­tional de réformes (PNR) présen­tées lors du conseil des ministres du 18 février en donnent déjà une idée. Depuis 2010, les États sont, en effet, contraints de présenter à la Commission européenne les réformes structurelles qu’ils envi­sagent de mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par la stratégie « Europe 2020 » pour une croissance économique « intelli­gente, durable et inclusive » (tout un programme) qui a succédé à la stra­tégie de Lisbonne. Dans ce cadre, il est ainsi prévu une poursuite de la réforme du marché du travail, dans le but de le « fluidifier », d’entamer la réforme des retraites complémentaires, une « adaptation plus profonde » du financement des systèmes de retraite et une réforme de l’assurance chômage. Il a éga­lement été évoqué une maîtrise des dépenses de santé qui passe­rait par une économie de dix mil­liards. Concrètement, cela signifie que, pour satisfaire la Commission, la France devra introduire plus de souplesse dans les contrats de tra­vail, revoir le dialogue social et la représentation des salariés dans les entreprises, réformer la fiscalité du capital, repousser l’âge de départ à la retraite, ouvrir la protection so­ciale à des financements privés…

Bref, de sacrifier sur l’autel d’une construction européenne d’inspi­ration ultralibérale et dominée par l’Allemagne son pacte social au nom d’une promesse de croissance plus qu’hypothétique.

Tel est le programme de Manuel Valls pour les deux années qui nous séparent de l’élection prési­dentielle. Cet acharnement réfor­miste n’a rien de surprenant de la part d’un Premier ministre qui fut proche de Michel Rocard à Mati­gnon au début des années 1990 et qui se réclame d’un courant de pensée (1) pour lequel la réforme et la modernité constituent les fon­dements de son projet politique, déconnectée de tout souci du long terme. C’est vrai au niveau écono­mique, ça l’est aussi pour ce qui touche à l’Éducation, à la Justice, à la Police… sans aucun sens du bien commun, avec pour seule ambition son ascension personnelle.

Nicolas PALUMBO

(1) Auquel se rattache aussi la CFDT, dans le monde syndical, dont les anciens dirigeants peuplaient les cabinets ministériels des gouver­nements Mauroy, Fabius et Rocard entre 1981 et 1992. Jacky Bontems, ancien numéro deux cédétiste, était conseiller officieux du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et conserve une certaine influence à travers ses réseaux.

Cf. Sous la direction de Cécile Guillaume – « La CFDT, sociologie d’une conversion réfor­miste », Presses universitaires de Rennes, coll. Pour une histoire du travail, 2014, 276 pages, prix public : 19 €.