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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Impasses violentes

Editorial du magazine royaliste N°1065 | du 8 novembre 2014 au 21 novembre 2014
mercredi 19 novembre 2014 | Thème: actualité
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La mort d’un jeune mili­tant écologiste lors d’un affrontement avec la gen­darmerie sur le site du bar­rage de Sivens et les durs accro­chages qui ont marqué certaines manifestations en hommage à Rémi Fraisse remettent à l’ordre du jour la question de la violence politique et sociale. Indéfen­dable en droit, serait-elle désor­mais le seul moyen de faire en­tendre raison à un pouvoir sourd et aveugle - ou plus radicalement d’abattre le système capitaliste ? De jeunes théoriciens l’affir­ment et leurs disciples passent à l’acte. Les réprobations morales les font sourire et les condamna­tions judiciaires, inévitables, les transforment en héros de la lutte contre l’ordre établi.

Rien de nouveau sous le soleil, assurément. Dans les sociétés humaines, la violence circule de manière constante et souterraine puis se fixe de temps à autre en un point et explose. Les Français, qui sont fiers de leurs révoltes, de leurs insurrections et de leurs révolutions - mais pas de leurs guerres civiles et religieuses - se satisfont ou s’accommodent de la dialectique des temps ordi­naires : les institutions politiques servent à contenir la violence que les partis et les syndicats parviennent à orienter vers de nouveaux compromis politiques et sociaux dans un système qui articule les modes de souverai­neté - populaire, nationale, éta­tique.

Récusé par l’extrême droite et l’extrême gauche, ce système fonctionnait vaille que vaille jusqu’à ce qu’il soit profondé­ment déréglé et subverti par la « gouvernance » oligarchique. Celle-ci pratique impunément le déni de démocratie dans une soumission confortable aux exi­gences de Berlin, Bruxelles et Washington. L’atonie du syndi­calisme de résistance et la lente agonie du Parti communiste pri­vent la société de ses moyens ha­bituels de mobilisation - celle-ci étant ailleurs rendue plus diffi­cile par l’éclatement des tâches et des horaires. La dernière note rédigée par l’association « Entreprise et Personnel » (1) explique avec pertinence qu’une explosion sociale est improbable en raison de l’atomisation des mécontentements mais que notre pays connaît « une forme inédite de décomposition sociologique et d’implosion sociale ».

Cette situation provoque deux réactions classiques :

- Des pulsions violentes, qui sont ou qui risquent d’être sui­vies de passages à l’acte contre des ennemis visibles : à l’ex­trême gauche on vise les poli­ciers et les agences bancaires ; à l’extrême droite on veut s’en prendre aux « Arabes », aux « Musulmans »…

- Des discours violents contre des puissances invisibles, « sio­nistes », « capitalistes », « im­périalistes », qui agiraient selon un plan cohérent de domination intégrale.

Ces deux réactions sont le signe d’une crise grave de la démocra­tie : les actions de rue soulignent le rejet des partis politiques tra­ditionnels et le complotisme si­gnale toujours une crise de légi­timité. Tous les groupes réactifs s’appuient sur des faits incontes­tables : oui, il y a des charges de CRS ; oui, il y a des barbus en djellaba ; oui, il y a des multi­nationales ; oui, Israël mène des opérations militaires… Mais ces éléments complexes d’une réali­té toujours difficile à saisir sont constitués en Ennemi doté d’une pensée unique, d’une intention parfaitement malveillante et d’une volonté diabolique. C’est l’appareil d’État. C’est l’agent du Grand Remplacement eth­nique. C’est le Capitalisme om­nipotent…

Plus ces puissances visibles ou invisibles sont imposantes, plus on se croit investi d’une mis­sion salutaire, plus on est indif­férent aux condamnations de la violence. Mais ces attitudes, aussi sincères soient-elles, sont condamnées à l’échec. Hors du groupe militant, la puissance imaginaire de l’Ennemi est dé­courageante. Au sein du groupe, l’action violente ne peut at­teindre que des cibles proches et innocentes - le fonctionnaire de police, la passante voilée, l’em­ployé de banque - et suscite tôt ou tard la réprobation populaire. Que ce soit à la fin du XIXe siècle ou après 1968, le peuple français n’a jamais suivi les libertaires, les autonomes ou, à l’opposé, les groupes plus ou moins racistes qui se prétendaient à l’avant-garde. Aujourd’hui, l’échec est promis aux anarchistes et aux identitaires, qui présentent des formules antipolitiques dans une société qui subit l’effondrement du Politique et qui doit le réins­taurer.

Bertrand RENOUVIN

(1) Cf. La Tribune du 20 octobre 2014.