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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

L'épreuve de force

Editorial du magazine royaliste N°1072 | du 13 février 2015 au 26 février 2015
vendredi 27 février 2015 | Thème: actualité
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Entre Athènes et Berlin appuyé par Francfort, l’épreuve de force est poli­tique. Mais il ne s’agit pas d’un conflit entre deux légitimi­tés comme divers eurocrates vou­draient le faire croire. Ce ne sont pas des institutions démocratiques européennes, fortes de leur repré­sentativité semi-continentale, qui tentent de faire valoir leur bon droit face aux institutions démocratiques d’un petit pays.

La Grèce n’est pas une très grande puissance mais nous sommes en train de découvrir qu’elle a plus de force que ne le laissaient penser son Produit intérieur brut et l’éten­due de son territoire. Dans l’Union européenne, elle peut bloquer toutes les décisions qui sont prises à l’unanimité comme elle vient de le rappeler à propos des nou­velles sanctions qui pourraient être prises à l’égard de la Fédération de Russie. Surtout, la Grèce dispose d’un gouvernement légitime qui repose sur une majorité parlemen­taire issue d’une libre décision du peuple souverain. En face, il y a des pouvoirs et des puissances qui ne peuvent pas invoquer la légiti­mité démocratique, pour des rai­sons cent fois exposées mais dont l’Eurogroupe et la Banque centrale européenne ne veulent pas tenir compte. Le Parlement européen ressemble à une assemblée démo­cratique, la Commission ressemble à un gouvernement, le Conseil des ministres et le Conseil européen réunissant les chefs d’État et de gouvernement ressemblent à des pouvoirs exécutifs mais il n’en est rien :

Le Parlement européen n’est pas un pouvoir législatif puisqu’il n’a pas l’initiative des lois. Il ne représente pas le peuple européen puisque ce peuple n’existe pas : le traité de Lisbonne évoque les « ci­toyens de l’Union européenne » mais cette citoyenneté n’est acquise que dans le cadre des États natio­naux qui délivrent des passeports européens à des citoyens français, allemands, grecs…

C’est la Commission européenne qui exerce un pouvoir d’ordre législatif en rédigeant les direc­tives européennes alors qu’elle est composée de fonctionnaires déten­teurs d’un pouvoir exécutif : ils sont chargés de faire appliquer des textes qui ne sont pas des lois car ils ne sont pas les représentants du peuple souverain.

Le Conseil des ministres (réunis par domaines de compétence) n’est pas un gouvernement puisqu’il coproduit des textes avec le Parle­ment et la Commission et approuve le budget annuel que le Parlement peut seulement désapprouver.

La Cour européenne de jus­tice décide arbitrairement de ce qui entre dans son domaine de compétence : elle crée le droit européen sans que les représen­tations démocratiques nationales puissent elles-mêmes légiférer en ce domaine. Au contraire, la Cour a érigé le principe de la primauté absolue du droit communautaire sur le droit national, que les Parle­ments nationaux doivent intégrer. C’est pire que le gouvernement des juges puisque cette Cour de Justice n’agit pas dans le cadre institution­nel organisé par une Constitution : nous sommes devant un organe au­tocratique qui constitutionnalise et interprète son droit selon son bon plaisir.

Au sens strict, l’Union européenne n’a pas d’institutions - elles sup­poseraient un ordre constitution­nel - mais seulement des organes qui ne respectent pas le principe de séparation des pouvoirs, pourtant essentiel dans les États de droit. Cette Union n’est pas non plus un État mais une « union juridique fon­dée sur le droit international » selon la définition irrécusable donnée par la Cour de Karlsruhe. Ce qui n’em­pêche pas la création d’une sorte de « constitution économique » - éta­blissant par exemple le principe de l’équilibre budgétaire - selon des normes idéologiques alors que la prétendue « constitution euro­péenne » avait été rejetée par la France et les Pays-Bas.

Ce sont enfin des organes non-dé­mocratiques - la Banque centrale européenne, l’Eurogroupe - qui tentent de soumettre un gouverne­ment démocratique. Ces organes peuvent invoquer la légalité des traités mais ils ne peuvent rien imposer qui soit légitime car ils ne sont pas l’expression d’un pouvoir souverain. La Grèce est au contraire un État souverain dans lequel tout gouvernement doit répondre aux critères légitimant de la souverai­neté populaire et de la souveraineté nationale : c’est cette force que le gouvernement allemand, la Banque centrale européenne et le président de l’Eurogroupe tentent d’anéantir par les dispositifs techniques d’un pur et simple chantage financier.

Nous espérons la résistance vic­torieuse du gouvernement et du peuple grecs, pour l’Europe tout entière.

Bertrand RENOUVIN