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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

L'inclusion laïque

Editorial du magazine royaliste N°1094 | du 9 février 2016 au 23 février 2016
mercredi 24 février 2016 | Thème: religion
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Entre le Premier ministre et le président de l’Ob­servatoire de la laïcité, la hache de guerre est enterrée. Manuel Valls avait accusé Jean-Louis Bianco de « dénaturer la laïcité » par trop de complai­sance à l’égard des islamistes et une violente polé­mique avait déchiré la gauche jusqu’à ce que le pre­mier confirme le second à son poste…

Feu de paille ? Je n’en crois rien. Avec le début du débat sur le voile, en 1989, nous sommes entrés dans une période d’affrontements passionnés et confus sur les signes religieux, la construction de mosquées, les plats des cantines scolaires et les dérives communau­taires. Entre islamophiles et islamophobes réels ou supposés, la bataille verbale continue et continuera de faire rage pour plusieurs raisons : la présence visible d’une nouvelle religion sur le territoire national et les violences islamistes commises en Orient puis en Eu­rope créent une inquiétude réelle. Cette inquiétude est d’autant plus forte que, hors de tout débat théologique, une fraction de la gauche voit dans les musulmans les victimes du colonialisme tandis que l’extrême droite les dénonce comme agents d’une subversion radicale. Il est difficile, voire impossible, d’entrer dans le débat sans s’exposer aux excommunications fulminées par les inquisiteurs de l’un ou de l’autre camp.

Faut-il dès lors se retirer sur l’Aventin ? Le risque d’une « guerre civile de basse intensité » - selon l’ex­pression de Jean-François Colosimo - est trop sérieux pour qu’on choisisse l’abstention. Il faut donc militer pour une définition rigoureuse de la laïcité sans ex­clure le débat sur le fait religieux. L’histoire et le droit de la laïcité nous ont été enseignés par Émile Poulat, qui fait référence. (1) Notre éminent ami donnait trois définitions (2) de la laïcité :

- Une définition politique : la laïcité, c’est le régime politique qui succède à la catholicité. La catholicité était exclusive : les autres cultes n’étaient pas recon­nus ou disposaient que de droits limités. La laïcité est inclusive : toutes les religions ont leur place dans la société.

- Une définition juridique : la laïcité, c’est la liberté publique de conscience pour tous les citoyens selon le principe affirmé à l’article 10 de la Déclaration de 1789 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

- Une définition histo­rique : la laïcité, c’est la conséquence des guerres de religion et l’oeuvre du « parti des politiques » qui veulent le rétablissement de la paix entre catholiques et protes­tants par l’action raisonnée de l’État. Dès 1585, Pierre de Belloy affirme que « la République n’est pas dans l’Église, mais au contraire l’Église est dans la Répu­blique. »

Concrètement, le principe de laïcité s’applique à tous les agents publics et à eux seulement : la laïcisation de l’espace public et des personnes qui y circulent n’est pas un impératif légal. Le régime de laïcité implique l’inclusion de toutes les religions, y compris des ins­titutions ecclésiastiques (l’Église catholique au début du XXe siècle) et des groupes religieux (les islamistes aujourd’hui) qui contestent notre régime de laïcité. Selon ses définitions, la laïcité ne renvoie pas la reli­gion au domaine privé puisque l’exercice public des cultes est expressément autorisé.

L’histoire de la laïcité depuis un siècle montre que l’application du principe de laïcité se fait d’ordinaire dans un souci d’apaisement que partagent les repré­sentants officiels des cultes. Depuis 35 ans, les polé­miques autour de l’islam portent principalement sur des questions d’ordre public, de sécurité publique et de normes sociales : c’est selon ces critères qu’il convient d’apprécier, contester ou combattre le voile islamique, le salafisme et les diverses revendications commu­nautaristes. Nous défendons quant à nous la liberté de critiquer les religions mais avons fait le choix de la neutralité bienveillante. Neutralité par respect de la distinction du politique et du spirituel. Bienveillance parce que les religions offrent des voies d’accès à l’universel. Quant aux croyants qui s’organisent en tant que tels pour la promotion politique d’un projet religieux, ils s’exposent à des répliques proportion­nelles à la radicalité de leurs intentions.

Bertrand RENOUVIN

(1) Cf. entre autres ouvrages savants, l’exposé bref et lumineux publié sous le titre Notre laïcité, ou les religions dans l’espace public, DDB, 2014. Voir aussi l’entretien accordé par Émile Poulat à Royaliste en 1994, repris dans le livre La nation et l’universel, IFCCE, Cité, déc.2015 (en vente à la NAR, prix public : 18 €).

(2) Je ne retiens pas ici la quatrième définition (l’émancipation des esprits par la raison) car Émile Poulat disait qu’elle pouvait s’opposer aux trois autres.