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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

L’avenir en vase clos ?

Editorial du magazine royaliste N°1249 | du 30 janvier 2023 au 12 février 2023
samedi 4 février 2023 | Thème: politique
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Tout est message, dans la société de communication. Ou plutôt, tout est récit sur les messages. Les électeurs, les manifestants, les grévistes… envoient des messages au gouvernement qui déclare les avoir reçus et promet de rester attentif, ouvert, prêt au dialogue. Ces aimables déclarations sont commentées favorablement par les médias qui envoient aux spectateurs-consommateurs leurs propres messages. Par exemple : toute journée de grève est un jour noir, où l’on voit plein de gens dans la galère.

Surtout, pas de message de mécontentement ou de colère sans retour à l’envoyeur sous forme de pédagogie. Les gens n’ont pas compris la réforme en cours, alors on va leur expliquer ! Tel est le discours que nous avons entendu à chaque réforme des retraites, en 1995, en 2010, en 2019 et cette année depuis janvier. Il va sans dire que cette pédagogie gouvernementale est une manière, parmi d’autres, de se moquer du monde. L’Élysée et Matignon, qui dépensent des sommes considérables pour connaître les mouvements de l’opinion, ne tiennent aucun compte des récents sondages qui reflètent l’opposition d’une large majorité de Français au projet sur les retraites.

Opposition massive. – Depuis l’annonce de la réforme, toutes les enquêtes d’opinion annonçaient une opposition massive des Français. Les journalistes de cour ont été nourris d’éléments de langage au cours d’un déjeuner animé par Emmanuel Macron et des ministres ont été envoyés sur les plateaux pour la rituelle mission pédagogique. Les efforts des uns et des autres ont lamentablement échoué, selon le sondage BFMTV-Elabe publié le 26 janvier : 72 % des Français sont opposés à la réforme, soit 10 % de plus que la semaine précédente, 64 % (+ 8 %) approuvent la mobilisation syndicale et comprennent que les grévistes puissent bloquer le pays !

Cependant, 71 % des Français pensent que la réforme sera votée et appliquée. Ce pessimisme procède d’un constat : de droite ou de gauche, la gouvernance oligarchique réussit à imposer ses réformes néolibérales aux citoyens. Ses rares reculs – en 2006 lors de la bataille du CPE (Contrat première embauche), en 2019 à cause de la pandémie – sont compensés par de nouveaux projets de réforme qui, sous diverses étiquettes politiques, reprennent les objectifs fixés à Bruxelles.

Somme toute, les Français ont compris dans leur grande majorité le message subliminal que leur adresse l’oligarchie : quoi qu’il arrive, quelles que soient la dureté des grèves et l’ampleur des manifestations, les réformes néolibérales passeront. Elles passeront parce que le bloc oligarchique sera suffisamment cohérent à l'Assemblée nationale. Parce qu’il y a toujours possibilité de répression violente et de chantage au chaos.

Ce message implicite ne vaut pas seulement pour la bataille en cours. Depuis qu’elle s’est constituée il y a plus de vingt ans, la « gouvernance » oligarchique agit comme si elle était assurée de maîtriser le cours des choses. Les événements semblent lui donner raison : ni la guerre en Irak de 2003, ni la crise financière de 2008, ni la crise de la dette de 2010-2013, ni même la guerre russo-ukrainienne n’ont durablement frappé les bénéficiaires du système capitaliste. Campés sur une montagne de profits, appuyés par les structures officielles et officieuses de l’Union européenne, renforcés par les succès des populismes puis par leurs échecs, les classes dirigeantes de l’ouest européen et des États-Unis pensent que l’avenir leur appartient.

Calculs insensés. – Il s’agit d’un avenir en vase clos, du fantasme d’un éternel présent, où les gens finiraient toujours par accepter qu’on repousse l’âge de la retraite, à 65, 67 puis 70 ans, où les travailleurs seraient de plus en plus précaires, où le patronat recevrait toujours plus de subventions, où les flux de capitaux n’en finiraient pas de gonfler, où finalement le peuple se résignerait à une condition servile résumée par l’exploitation et l’humiliation, dans la dépossession de tous les biens communs.

Réputées progressistes, les classes dirigeantes voudraient que les mouvements de l’Histoire n’aient aucune incidence sur les structures et les équipes qui préservent la richesse des privilégiés. Elles parient sur la résignation générale et sur le sens du devoir dans les secteurs sensibles. Elles croient que les désastres écologiques se gèrent comme le reste et que, de toute manière, ceux qui ont de l’argent s’en sortiront toujours – par exemple en changeant de pays quand le réchauffement devient trop pénible chez eux. Elles croient que les États-Unis assureront pour toujours la protection de l’Occident…

Ces calculs sont insensés. Les dégâts provoqués par le néo-libéralisme font l’objet de constats quotidiens, qu’il s’agisse du délabrement de l’hôpital public, des pénuries de médicaments ou du gaspillage de l’eau. Les inégalités de revenus sont intolérables. La démondialisation est un fait. L’abaissement du rang de la France dans le monde engendre une humiliation collective qui provoquera, comme par le passé, un sursaut.

En clôturant l’avenir, la classe dirigeante concentre les regards sur sa faillite dans tous les domaines de l’action publique. Par la grève, par la manifestation, nous pouvons lui infliger un échec cuisant.

Bertrand Renouvin