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Dans l’histoire de l’Union européenne, Barcelone est une ville de sinistre mémoire puisque c’est là que fut décidée, voici bientôt trois ans, la libéralisation du marché du gaz et de l’électricité.
Nous nous souvenons que Jacques Chirac et son Premier ministre, Lionel Jospin, s’entendirent comme larrons en foire pour présenter de manière rassurante un processus de privatisation qui aura de désastreuses conséquences.
Nous observons aussi que François Hollande, héritier du candidat battu en 2002, entérine par son Oui au référendum les accords passés entre MM. Chirac et Jospin lors des sommets européens où furent décidés le durcissement de la ligne ultra-libérale.
C’est de nouveau à Barcelone qu’a été lancée, le 11 février, la campagne des chefs d’État et de gouvernement pour l’approbation du « traité constitutionnel ». En l’absence de Gerhard Schröder et de Silvio Berlusconi, grippés, le président français et le Premier ministre espagnol ont énoncé leurs mots d’ordre, d’une banalité qui décourage le commentaire. C’est le cadrage de la campagne qui mérite d’être examiné, car l’emballage du paquet aura une forte incidence sur le choix des électeurs : il permettra de masquer pendant quelques mois les effets destructeurs de la concurrence sauvage, de la rigueur budgétaire et de l’euro fort.
Quant à la mise en scène, il me paraît significatif que Jacques Chirac ait été applaudi par un parterre où les militants socialistes espagnols étaient largement majoritaires. François Hollande et ses amis n’en auront que plus de mal à persuader les Français que leur Oui de gauche est différent de celui de la droite chiraquienne.
Surtout, la forte médiatisation de l’accord entre le président français et le chef socialiste du gouvernement espagnol, renforcé par les messages du social-démocrate allemand et de l’affairiste italien, ont indiqué la tonalité de la campagne. Les oligarques veulent placer l’enjeu au-delà des confrontations entre la droite et la gauche : « cette Constitution n’est pas un texte partisan. Elle appartient à chaque Européen, quelle que soit sa sensibilité politique » a déclaré Jacques Chirac. Le président français a par ailleurs souligné que le projet de traité est approuvé par la Confédération européenne des syndicats qui y voit « un pas positif pour les travailleurs ».
Avant même que les peuples ou les parlements se soient prononcés, voici les citoyens et les travailleurs européens entraînés à exprimer un « vote civique » sur une prétendue Constitution qui serait déjà celle de tout un chacun !
La manœuvre est évidente : les oligarques veulent dépolitiser le débat et réduire le choix démocratique à la confirmation d’un consensus qui serait manifeste. Avant toute discussion et toute décision sur le fond (1), il faut refuser le conditionnement publicitaire qui se résume par un slogan classique : achetez notre produit, puisque tout le monde l’apprécie ! Si nous « achetons » le traité, l’accord présupposé se trouvera confirmé…
Nous ne serons pas dupes.
Le texte soumis à référendum a une définition juridique toute particulière : il présente comme « constitution » ce qui s’analyse comme un traité. Le débat sur ce point doit être tranché dans le vif.
Ce texte a une fonction politique précise : faciliter la gestion des affaires européennes par la gouvernance sans mettre pour autant un terme à la confusion des pouvoirs qui règne dans l’Union européenne. Aux termes de l’article 4 de la Constitution française, « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage ». Ils doivent se prononcer clairement sur les institutions de l’Union européenne.
Ce texte recèle une idéologie bien définie, l’ultra-libéralisme, dont les préceptes discutables et discutés (libre circulation des capitaux, équilibre budgétaire, marché essentiellement concurrentiel…) sont présentés comme valeurs communes et fondamentales. Nos diverses familles intellectuelles doivent poursuivre et intensifier leurs confrontations afin que les enjeux idéologiques soient clarifiés.
Que chacun prenne ses responsabilités politiques.
Bertrand RENOUVIN
(1) La Nouvelle Action royaliste se prononcera sur le référendum lors de son congrès, le 20 mars.