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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Le coup de force permanent

Editorial du magazine royaliste N°964 | 
lundi 22 février 2010 | Thème: europe
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Appelés à voler au secours de la Grèce en proie aux attaques spéculatives, les vingt-sept pays membres de l’Union européenne ont décidé le 11 février de ne rien faire tout en assurant qu’ils ne laisseraient pas tomber le gouvernement grec. Ce soutien verbal était censé dompter les spéculateurs et rassurer « les marchés » qui ont manifesté le lendemain leur défiance : baisse de l’euro, baisse des actions. Il y aura par la suite bien des montées et des descentes mais je signale ce fait mineur qui montre que les déclarations de l’oligarchie européenne ne sont pas destinées aux citoyens mais aux opérateurs de salles de marchés et aux agences privées de notation. Nous sommes en présence d’un monde clos – un luxueux casino aux multiples miroirs dans lequel se sont enfermés la « gouvernance européenne » et une société de parieurs fous.

D’où le caractère dérisoire des gémissements de Jean Quatremer et des autres grandes plumes de l’européisme : avec un bel ensemble, ils ont accusé les banques et les fonds de pension américains de vouloir détruire la zone euro, espérant rassembler leurs lecteurs dans une vertueuse indignation. Mais il serait étrange que les spéculateurs renoncent d’eux-mêmes à spéculer. Pourquoi la troupe des plaintifs de février 2010 n’a-t-elle pas vivement incité Barack Obama, sauveur de l’humanité, Nicolas Sarkozy, moraliste, Angela Merkel, incarnation des vertus germaniques et Manuel Barroso, figure emblématique de l’Europe-qui-se-fait, à casser les mécanismes de la spéculation et à contrôler les mouvements de capitaux ? Comme on continue de laisser faire, la zone euro ne cessera d’être attaquée.

Ce nœud de contradictions financières se complique de lacets juridiques qui interdisent le sauvetage de la zone euro : le traité de Lisbonne (articles 123 et 125) interdit qu’un État-membre de l’Union soit aidé par la Banque centrale européenne ou par un autre État. Ce qui signifie que l’Union européenne est un ensemble solidaire qui s’interdit toute solidarité concrète ! Mais on peut contourner cette interdiction en invoquant l’article 122 qui prévoit une assistance financière en cas de circonstances exceptionnelles qui ne sont d’ailleurs pas définies. Ce qui n’a pas empêché Angela Merkel de déclarer que l’aide à la Grèce serait illégale, parce que ça l’arrange. Mais si les banques allemandes sont mises en péril, elle aura vite fait de changer d’avis. Ce sont les rapports de force qui tranchent les imbroglios juridiques.

Dès lors, le discours sur le gouvernement économique européen n’en paraît que plus stupide. La mise en place de cet objet juridique non identifié fut annoncée à grand bruit par les médias avant la réunion du 11 février et Herman Van Rompuy, toujours en quête de crédibilité, s’empressa de publier la bonne nouvelle. Avec dix bonnes années de retard, on prenait tout à coup conscience d’une incontournable vérité ainsi exprimée par Le Monde du 9 février : « La crise met en lumière une faiblesse connue de la monnaie unique : elle n'est pas durable si elle ne s'accompagne pas d'une union politique ». D’où la campagne en faveur du « gouvernement économique » (le politique a de nouveau disparu) qui a été menée dans le mépris du droit :

- ce « gouvernement » n’est pas prévu par le traité de Lisbonne ; il résulterait donc d’un coup de force.

- si ce « gouvernement » se constituait, il serait paralysé par les articles précités du traité et chaque déblocage impliquerait des coups de force. C’est selon cette logique que Le Monde incita les chefs d’État et de gouvernement de l’Union à « se dire prêts à financer Athènes en cas de nécessité, même si le traité de Maastricht de 1991 l’interdit ». Formidable aveu, de la part d’un journal qui n’a cessé de glorifier les traités de Maastricht, de Lisbonne et d’autres lieux.

Pour éviter la forfaiture permanente, il faudrait rédiger un nouveau traité, fédéral cette fois. Cette solution est exclue, car nul ne veut, à Bruxelles, Berlin et Paris, s’exposer à une sanction démocratique. Les oligarques européens impuissants et divisés sont donc condamnés à gérer la zone euro au jour le jour jusqu’à son éclatement, en imposant aux peuples d’insupportables programmes de redressement qui constitueront autant d’attentats contre la démocratie.

Bertrand RENOUVIN