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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Le défi catalan

Editorial du magazine royaliste N°1087 | du 3 novembre 2015 au 16 novembre 2015
mardi 10 novembre 2015 | Thème: europe
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C’est à un acte révolutionnaire presque compa­rable au Serment du Jeu de paume auquel les élus nationalistes au Parlement de la Genera­litat de Catalogne prétendent ! D’ici quelques jours, ils devraient annoncer la création d’un « État indépendant » ayant « forme de République ». En at­tendant, le communiqué diffusé par la majorité issue des élections régionales du 27 septembre dernier, fait du Parlement régional « le dépositaire de la souve­raineté » d’une nation en devenir. Est envisagé « un processus de déconnexion démocratique » d’avec les institutions de l’État central espagnol, et tout d’abord d’un Tribunal constitutionnel « délégitimé » et « sans compétence » puisqu’il continue, de manière réitérée, à condamner toutes les velléités d’indépendance por­tées par les nationalistes catalans - que ceux-ci soient de gauche ou de droite.

Les correspondants de presse nous ont expliqué quelles sont les origines historiques et les enjeux de pouvoirs très immédiats liés à une proclamation qui aurait lieu juste avant la tenue d’élections législatives renouvelant, comme rarement on l’a vu depuis la transition démocratie, le paysage politique espagnol. Ils nous indiqueront si la société catalane va continuer à se scinder en deux parties presque égales en effec­tifs, mais irréconciliables. Vu de France, la prudence invite à s’en tenir à un principe de neutralité absolue. Nos amis de Catalogne, de Belgique ou du Royaume-Uni nous le reprocheront peut-être... Mais c’est la position qui doit être tenue, du moins tant que l’on ne constatera pas de risque de contagion sécessionniste à la Catalogne française ou à d’autres États.

Curieusement, c’est le leader de Podemos qui fait la meilleure analyse géopolitique, à l’échelle du conti­nent. Le parti, produit d’un marxisme hétérodoxe, est pourtant par principe le défenseur de la « souverai­neté populaire » face aux États. Prime, pour lui, la défense d’une société auto-régulée. Face à l’urgence de la crise, Pablo Iglesias est cependant le seul res­ponsable politique espagnol capable de pointer l’une des principales cause du divorce qu’il est peut-être encore possible d’empêcher. À l’issue de sa première rencontre officielle avec le Premier ministre, au cours d’une conférence de presse - donnée pour la première fois de sa carrière politique au pied du drapeau consti­tutionnel espagnol –, il a en substance rappelé que c’est bien à Bruxelles et à Berlin, et non à Barcelone, qu’on a commencé à déchirer les pages de la Constitution es­pagnole : quand il s’est agi de proposer aux gouvernements espagnols successifs de vider de leurs sens les articles du texte fondamental relatifs au droit du travail, puis d’intro­duire dans la Constitution la fameuse « règle d’or » suppo­sée réduire les déficits budgétaires. Des propositions de réformes constitutionnelles, conçues pour désa­morcer le mécontentement des Catalans en renvoyant dos-à-dos « les indépendantistes » et « les immobi­listes », semblent-elles aussi être marquées du sceau du bon sens. le jeune leader demande à ce que soient introduits dans le texte fondamental : une nouvelle loi électorale renforçant le scrutin proportionnel ; la ga­rantie d’une plus grande indépendance de la Justice et la lutte contre la corruption ; la prescription du respect effectif des droits sociaux et une réforme territoriale permettant la tenue d’un référendum en Catalogne. Mais Podemos reste isolé, sur l’échiquier politique.

Pour s’en extraire, peut-être pourrait-il compter sur un pouvoir qu’il respecte mais condamne encore au motif qu’il est non élu : la Couronne. À l’occasion de la remise des Prix Princesse des Asturies, le roi Phi­lippe VI a prononcé un discours composé avec la seule aide de ses conseillers les plus proches - comme celui de Noël –, sans la marque de toute intervention gou­vernementale. Une nouvelle fois, il montre la force d’un pouvoir symbolique, dans l’Europe du XXIe siècle. « Réfléchissons et valorisons avec sincérité et honnêteté ce que nous Espagnols avons construit en­semble, qui nous unit et nous fortifie ; éloignons-nous de ce qui nous sépare et nous affaiblit ; et tenons-nous écartés, spécialement, de tout de tout ce qui prétend dénoncer, différencier ou rejeter l’autre. C’est pour­quoi, quand se lèvent des murs émotionnels - ou que se promeuvent les divisions - quelque chose de pro­fond se brise en nous-mêmes, en notre propre être, en nos coeurs. Que personne ne construise de mur avec les sentiments. Les divisions ne grandissent jamais un peuple ; mais l’appauvrissent et l’isolent. Évi­tons les fractures sociales qui font tant de maux aux consciences des personnes, aux affections, à l’amitié et aux familles, aux relations entre les citoyens. » (1) La monarchie est le meilleur rempart pour défendre « l’unité populaire » chère à l’ultragauche. Le prag­matique Pablo Iglesias, à qui il est déjà arrivé de serrer la main au roi, ne manquera peut-être pas de le noter.

Christophe BARRET

(1)http://www.casareal.es/ES/Actividades/Paginas/actividades_discursos_detalle.aspx?data=5533