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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Les pro et les anti

Editorial du magazine royaliste N°1095 | du 24 février 2016 au 8 mars 2016
mercredi 9 mars 2016 | Thème: politique
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Êtes-vous pro-russe ou anti-Poutine ? Pro ou anti-Assad ? Les clivages sur les affaires étran­gères varient au fil de l’actualité mais l’enjeu est toujours le même : établir la norme politi­quement correcte, qui permettra de juger du même coup les États en conflit et l’attitude des citoyens français à l’égard de ceux-ci.

Paradoxe : tandis que certains s’ingénient à dé­valuer toutes les valeurs - on fait « tomber les ta­bous » - d’autres ou les mêmes imposent une mo­rale qui fixe en toute rigueur le camp du Bien et celui du Mal en référence aux droits de l’homme. Nous avons souvent dit que cette morale implique une égalité de jugement et de punition pour tous les fautifs, qu’on ne trouve jamais chez les grands in­quisiteurs médiatiques. Face à la dictature chinoise, face au bellicisme étatsunien, les implacables mo­ralistes se transforment en autruches.

Les discours vertueux et les condamnations so­lennelles visent à effacer le principe premier de la diplomatie selon lequel les relations interna­tionales se déroulent entre des États et non entre des régimes politiques. Par voie de conséquence, ce moralisme détruit la volonté de mener une poli­tique étrangère conforme aux intérêts de la nation française. C’est là un autre paradoxe : tandis que les dirigeants étatsuniens, chinois, russes, allemands, britanniques… s’ingénient à défendre et à promou­voir leur patrie, le discours dominant, dans notre pays, prescrit dans le désordre les grands principes humanistes et le cynisme de la « diplomatie écono­mique », les raids punitifs et les replis dictés par les économies budgétaires. Plus largement, on proscrit « l’unilatéralisme » autrement dit l’idée même d’une politique indépendante menée par un État souve­rain. Alignés sur Washington, Berlin et Bruxelles, nous avons bombardé Belgrade et Tripoli avant de nous précipiter de manière irréfléchie dans l’enfer proche-oriental. Certains officiels jurent de renver­ser Poutine tandis que leurs collègues se jettent aux pieds des Chinois et trop peu d’États se réjouissent encore d’une politique cohérente de la France. Pourtant, le prestige et les capacités de notre nation millénaire sont intacts.

Les équipes de droite et de gauche qui vont s’affronter pour la présidentielle sont responsables de cette confu­sion et le salut ne viendra pas du Front national : le pou­tinisme plus ou moins naïf de ses actuels dirigeants ne vaut pas mieux que les com­plaisances du père fondateur pour Saddam Hussein. Dans un monde d’États souverains menant une politique de puissance à proportion de leurs moyens, le fait de se dire « pro-russe » ou « pro-américain » n’a de sens que par rapport à des affinités personnelles. Des citoyens français qui tentent de formuler une politique étrangère pour leur patrie ont seulement à débattre du jeu des alliances qui se nouent et se dénouent en fonction des circonstances et des pro­jets d’ensemble que la nation a formés. Quand elle parvient à se garder à la fois de l’abandon et de la démesure impérialiste, la France plaide pour la paix par l’équilibre des rapports de force entre les États - dans le monde et plus particulièrement sur le continent européen. En vue de cet apaisement, qui est l’idéal de la raison diplomatique, la France doit avoir assez de puissance souveraine pour conclure les alliances utiles et pour dissuader les fauteurs de violences. Il ne s’agit pas d’être pro-Poutine ou pro-Obama : la question est de savoir qui nous menace, qui prétend nous dominer, qui peut au contraire prendre part à un projet commun. Il ne s’agit pas d’être pro-allemand ou anti-allemand mais d’observer la manière dont le gouvernement allemand favorise ou défavorise les équilibres poli­tiques, économiques et sociaux en Europe.

Quand le général de Gaulle exprimait le pro­jet d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, notre force nucléaire de dissuasion visait explicitement les grandes villes russes et nous étions la cible des fusées soviétiques. Quand, à la Nouvelle Action royaliste, nous dessinons le projet d’une France souveraine dans le cadre d’une confédération de tous les États européens, nous savons que Vladimir Poutine, Angela Merkel et Recep Erdoğan auront quitté la scène. Et nous estimons que ce projet sera rendu possible à deux conditions : un changement des rapports de force en Europe qui suppose le re­trait des États-Unis et la fin de l’Otan ; l’aboutis­sement du processus de décomposition de l’Union européenne, qu’il nous faut envisager aussi froide­ment que, naguère, la crise terminale de l’Union soviétique.

Bertrand RENOUVIN