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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Non à l'Émotion !

Editorial du magazine royaliste N°1142 | du 3 avril 2018 au 16 avril 2018
mercredi 18 avril 2018 | Thème: politique
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Émotion est le maître-mot du discours média­tique, qui revient sans cesse, quoi qu’il ar­rive. C’est le critère absolu, qui fait qu’on parle et qu’on reparle de l’événement, qu’on le commémore à n’en plus finir. Émotion lors des obsèques de Johnny Hallyday. Émotion après la victoire électorale de l’un et la défaite de l’autre. Émotion pendant le match et après l’attentat. Émo­tion lors des obsèques du chef de l’État et pour le mariage de l’actrice. Il faut que ça pleure ou que ça rie ou que ça crie parce que ça fait de l’image.

Nous pourrions nous accommoder de la mise en scène médiatique de l’Émotion si les djihadistes, qui sont les enfants de leur siècle, n’avaient pas compris le fonctionnement de la machine. Puisque les médias carburent à l’Émotion, il faut leur four­nir du carburant pour que la propagande du djihad se fasse toute seule. Nous avons dit et répété, après d’excellents analystes, que l’attentat djihadiste était coproduit par le terroriste et par le système médiatique. Le but du terroriste est de terroriser. Encore faut-il que la terreur puisse se répandre dans le monde entier pour la gloire posthume du terroriste – et ça, c’est le travail des médias. Farhad Khosrokhavar le dit excellemment : « Plus on cou­vrira l’acte terroriste de ce type d’individu [géné­ralement délinquant, narcissique et désemparé], plus il sera fier de s’être vu « célébrer » en tant que héros négatif qui se glorifie d’être rejeté par la société. Et plus il sera susceptible de devenir un modèle que d’autres individus portant la haine de la société risqueront d’imiter » (1).

L’Émotion médiatique est meurtrière. Elle fait cir­culer la violence plus sûrement, plus massivement que les sites djihadistes. On dira que les médias exaltent aussi les émotions positives, et que l’émo­tion provoquée par la mort héroïque du colonel Beltrame a renvoyé le terroriste de Carcassonne et de Trèbes à son néant. Non ! Le jour de l’hommage national, l’incessant bavardage des commentateurs tuait l’émotion et il fallait couper le son du télé­viseur pour se recueillir quand on n’avait pas la possibilité d’être sur le parcours du cortège ou aux Invalides. Aux obsèques des héros, il y a le silence, le rituel militaire et l’hommage de l’autorité politique. Devant le cercueil du colonel Bel­trame, Emmanuel Macron s’est élevé à la hauteur de sa fonc­tion et prononcé les paroles que la nation attendait.

C’est bien. Mais il faudrait que nous ayons un chef de l’État plus longtemps qu’un matin de funérailles officielles. Et il faudrait que le sacrifice du colonel Beltrame suscite plus que des paroles d’admiration, plus que des dissertations sur l’héroïsme : il faudrait la résolution d’accomplir sa tâche en toute rigueur dès lors que cette tâche a une incidence, même infime, sur la cohésion nationale. Les juges, les policiers, les soldats ont des émotions comme tout le monde mais dans leur métier ils agissent grâce aux connaissances qu’ils ont acquises, grâce à leur expérience ou à leur entraînement. De même, les journalistes des grands organes d’information ne sont pas insensibles aux tragédies dont ils rendent compte mais on n’attend pas d’eux qu’ils diffusent leurs émotions ou qu’ils mettent en spectacle des émotions : nous voulons qu’ils nous informent, ce qui impose de la distance par rapport à l’événement.

L’élite de la nation n’est pas difficile à définir. Appartient à l’élite celui qui fait son devoir d’état – qu’il soit juge, professeur, militaire, policier, mé­decin, agent d’un service public ou de la fonction publique générale, hospitalière, territoriale. Les grades, les rangs sont secondaires. Il y a toujours eu des élites ouvrières, paysannes, industrielles qui se vouaient à leurs tâches et qui vivaient leurs conflits sans perdre de vue l’intérêt du pays.

C’est aujourd’hui encore l’élite qui assure l’exis­tence de la nation française mais il faut une mort héroïque pour que l’oligarchie lui rende hommage le temps d’une cérémonie. Dans l’ordinaire des jours, l’élite est méprisée, privée de moyens, sacri­fiée au fil des abandons de souveraineté, des priva­tisations, des braderies industrielles, des envois de supplétifs sur les théâtres d’opération. Nous atten­dons, nous espérons, l’insurrection de l’élite. Elle aurait, elle aura, une portée révolutionnaire.

Bertrand RENOUVIN

(1) http://theconversation.com/pourquoi-le-djihadisme-est-la-pour-longtemps-en-europe-94046