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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Notre-Dame en notre ville

Editorial du magazine royaliste N°1166 | du 22 avril 21019 au 5 mlai 2019
dimanche 28 avril 2019 | Thème: politique
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L'incendie de Notre-Dame de Paris a sou­levé une intense émotion collective, que nous avons évidemment partagée. Mais ce ne sont pas les sentiments qui ont sauvé la cathé­drale – seulement l’action résolue des sapeurs-pompiers et des policiers qui ont assuré le service d’ordre. Et ce ne sont pas les déclarations d’amour à Notre-Dame qui permettront qu’elle soit res­taurée mais les architectes des Monuments his­toriques et les ouvriers agissant sous l’égide du ministère de la Culture. Ils devront tous agir selon les procédures prévues par nos lois et règlements.

Pour que l’on puisse à nouveau prier à Notre-Dame ou simplement l’admirer, il faut en effet la froide raison de l’État, propriétaire de la cathé­drale depuis la loi du 9 décembre 1905 et qui a, par conséquent, la charge de la conservation de l’édifice et des réparations. La raison étatique s’accompagne nécessairement de dispositions budgétaires, établies par le gouvernement et votées par la représentation nationale. Ces prin­cipes n’auraient pas à être rappelés si le pré­sident de la République restait dans son rôle, si le gouvernement exerçait ses responsabilités.

Tel n’est pas le cas. Nous avons vu Emmanuel Macron décider que la « » ne dure­rait pas plus de cinq ans et que la cathédrale n’en se­rait que « », sans attendre les conclusions des architectes et en oubliant que la France a signé la charte de Venise qui dispose que la restauration d’un monument « ».

Ce n’est pas tout. Nous avons appris que les crédits affectés cette année aux réparations de la cathédrale étaient dérisoires et que l’État s’en re­mettait à la générosité internationale. Puis nous avons vu de très riches capitalistes rivaliser dans les dons pour la restauration de Notre-Dame et provoquer, par leur zèle soudain, l’indignation de ceux qui disent qu’on sauve plus facilement des pierres que les pauvres. Ces polémiques n’au­raient pas eu lieu si le budget de l’État permettait, par l’imposition rigoureuse des contribuables les plus riches, de répondre à toutes les nécessités, sociales, culturelles, militaires… On préfère, en haut lieu, invoquer l’austérité et s’en remettre à la générosité privée pour pro­téger les vieilles pierres. Le « loto du patrimoine » et autres expédients signi­fient que le gouvernement se défausse de ses res­ponsabilités par un chan­tage : payer de sa poche, ou pleurer sur les ruines.

Or les ruines importent toujours plus qu’elles-mêmes : la destruction atteint le paysage ou la forme de la ville. Nous l’avons toujours su et nous le savons encore mieux aujourd’hui : Notre-Dame est inscrite sur le ciel de Paris, sur une île du fleuve avec ses quais, ses maisons, ses cafés, ses bou­tiques et la cathédrale forme avec la ville un en­semble indissociable. Les belles villes sont comme les nations : des plébiscites de tous les jours. Les monuments élevés à la gloire de Dieu ou pour le prestige du prince sont toujours offerts au peuple qui consacre la beauté des lieux en venant y prier ou s’y promener. Il faut de la foule, de la vie – tant pis pour les esthètes – et il faut que cette foule, ce peuple, puisse continuer à se trouver bien d’être là, en accord avec l’Histoire, avec l’Esprit ou avec ceux qui viennent boire et danser sur les quais.

Ceux qui crient qu’on donne trop à Notre-Dame doivent être écoutés. Les innombrables discours sur la « politique de la ville » et les énormes crédits qui lui ont été consacrés ont abouti à la relégation dans des cités qui sont des anti-cités, dans de « grands ensembles » qui nient l’en­semble urbain, dans des zones assorties de ronds-points, polluées par la publicité et agrémentées de « grandes surfaces ». Il n’est pas étonnant que la révolte qui secoue la France soit venue des péri­phéries et que les Gilets jaunes viennent chaque samedi occuper le centre historique des villes.

On ne répondra pas à la colère populaire seule­ment par l’augmentation du pouvoir d’achat, des offres d’emploi et par le redéploiement des services publics. Sans cesser de veiller sur nos paysages, il faudra transformer en villes les espaces vaguement urbanisés selon notre gé­nie architectural. Pour cette ambition natio­nale, M. Arnault et ses compères devront su­bir de très sévères ponctions sur leur capital.

Bertrand RENOUVIN