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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Notre République laïque

Editorial du magazine royaliste N°1077 | du 22 avril 2015 au 5 mai 2015
mercredi 6 mai 2015 | Thème: politique
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La République française est nôtre, non au sens de la pos­session, ce qui va presque sans dire, mais de l’apparte­nance et plus encore d’une adhé­sion que la Nouvelle Action roya­liste vient de réaffirmer à l’issue de son 34eme Congrès.

Ce rappel est nécessaire : les professions de foi sur la Répu­blique et sur la laïcité, qui de­vraient être apaisantes, sont trop souvent porteuses d’agressivité et d’exclusion - voire de récupé­ration partisane puisque les diri­geants de l’UMP voudraient se présenter comme « Les Républi­cains ».

Ce rappel est justifié : dans la généalogie de la République, (1) nous sommes les héritiers du cou­rant le plus ancien. Il se reconnaît dans la définition aristotélicienne de la République comme visée de l’intérêt général par une auto­rité exercée selon la loi pour des hommes libres et égaux. Il prend forme au XVIe siècle avec le parti des politiques, lorsque la Répu­blique s’affirme comme État sou­verain, légitime en ce qu’il est le protecteur de la liberté face au despotisme impérial. Il s’affirme avec les monarchiens lors de la ré­daction de la Déclaration de 1789.

Avant comme après la Révolu­tion française, dans l’ancienne société comme dans la modernité démocratique, la République n’est pas un type d’institution politique mais un corps de principes qui or­donne un système juridique : pri­mauté de l’intérêt général, liberté, égalité, souveraineté du peuple, laïcité… La République peut donc accueillir divers régimes po­litiques : la monarchie royale, la monarchie élective, le régime par­lementaire s’inscrivent tous dans la « forme républicaine du gou­vernement »… dont la protection serait renforcée par le projet de loi sur le Renseignement.

Nous sommes aussi partie prenante dans la genèse de la laïcité. (2) Elle naît de l’enfer des guerres de reli­gion, lorsque les « Politiques » - Jean Bodin, Michel de Montaigne et Michel de l’Hospital… - entre­prennent de restaurer la paix et la simple humanité par la tolérance sous l’autorité de l’État assez im­partial pour garantir de la liberté de conscience. Cela signifie que « la République n’est pas dans l’Église, mais au contraire l’Église est dans la République » comme l’écrit Pierre de Belloy en 1585.

Il faudra beaucoup de temps, et de conflits, pour que cette maxime devienne un principe juridique fondamental : celui de l’inclusion qui est le premier principe de notre République laïque : toutes les reli­gions coexistent dans la France laïque qui accepte que des autori­tés religieuses puissent récuser le principe de laïcité de même que la République accepte les mou­vements antidémocratiques et antirépublicains - si ces autorités ou mouvements ne menacent pas la paix civile. Notre laïcité répu­blicaine se définit ensuite par un principe juridique : liberté pu­blique de conscience pour tous les citoyens. Elle se définit enfin par un principe politique : « la pacifi­cation des esprits par le droit ». (3)

Je n’oublie pas la laïcité mili­tante, qui s’est traduite à partir des Lumières par un combat contre les religions, aujourd’hui récupéré par le Front national dans ses dia­tribes antimusulmanes. Mais ce laïcisme très répandu est contraire à la laïcité qui est une conjonction d’histoire (nos régions concorda­taires), de droit (la protection de toutes les religions) et de politique au sens de la médiation apaisante et des aménagements concrets - par exemple à l’école. Il faut préciser que le principe de laïcité s’applique à l’État, aux agents pu­blics et aux conditions de l’exer­cice public du culte. Les tenues vestimentaires et les manifesta­tions de rue ne sont pas à appré­cier du point de vue de la laïcité mais de l’ordre public.

Le rappel des principes républi­cains vaudrait mieux que tous les discours moralisateurs. L’ensei­gnement de la généalogie républi­caine dans l’histoire de la France et de l’Europe apporterait plus d’apaisement que tous les plans de lutte contre l’intolérance. Mais c’est trop demander à l’oligarchie qui veut que l’école fabrique des sujets employables, guéris de leurs blessures identitaires suppo­sées et tenus au respect des pré­tendues contraintes économiques et financières.

Bertrand RENOUVIN

(1) Cf. Blandine Kriegel – « Philosophie de la République », Plon, 1998.

(2) Cf. « La genèse de la laïcité », in Blan­dine Kriegel, « La politique de la raison », Payot, 1994.

(3) Émile Poulat – « Notre laïcité, ou les religions dans l’espace public », DDB, 2014, chef d’oeuvre de précision et de concision, à apprendre par coeur !