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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Philippe VI d'Espagne, roi modérateur

Editorial du magazine royaliste N°1060 | du 5 juillet 2014 au 31 août 2014
samedi 5 juillet 2014 | Thème: politique
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La force tranquille... pour de vrai ! Le vieux slogan mitterrandiste, un peu réactualisé, pourrait refléter au mieux les quelques atouts dont dispose le nouveau roi d’Espagne. Une certaine tradition jacobine teintée de jugements encore marqués par une historiographie datée pourrait nous empêcher de saisir tout l’avantage qu’il y a, en Espagne, de disposer d’un chef de l’État effectivement neutre, « arbitre et modérateur » selon la lettre de la Constitution.


Dès les premiers mots de son discours d’investiture, le 19 juin dernier, le roi Philippe VI a « exprimé la reconnaissance de la Couronne à ces Chambres, dépositaires de la souveraineté nationale. » Il a de même précisé ses fonctions : « être symbole de l’unité et de la permanence de l’État, assumer sa plus haute représentation et arbitrer et modérer le fonctionnement régulier des institutions. » Avec un inattendu emprunt au très classique - et républicain ? - Bagehot, qui au XIXe siècle théorisa à perfection la monarchie britannique, le nouveau roi a aussi simplement voulu rassurer ces Espagnols, qu’on a longtemps dit plus juan-carlistes que monarchistes : « vous trouverez en moi un chef d’État loyal et disposé à écouter, comprendre, avertir et conseiller (...). »


Au cours de la cérémonie de Proclamation du roi, Artur Mas, le président de la Generalitat de Catalogne, s’était ostensiblement abstenu d’applaudir le discours du nouveau roi. C’est que, depuis de nombreux mois, l’homme fort de la Catalogne affronte le Premier ministre Mariano Rajoy sur la question de ce qu’on appelle, en Catalogne et au Pays-Basque, « le droit à décider ».


De fait, ce droit, depuis le début de l’année a été rejeté par les Cortès de Madrid puis par le Tribunal Constitutionnel, un peu comme on le fît en France, il y a quelques années, avec un projet distinguant un autre « peuple » au sein du « peuple français ». Aux yeux du législateur comme à ceux du juge, une section du peuple ne saurait compromettre à elle seule le destin collectif. Sauf qu’en Catalogne, une consultation électorale – illégale, donc – est toujours prévue, pour l’automne.


Le roi, qui exerce le plus haut niveau de représentation de la nation espagnole, ne saurait se taire. Dans son discours d’investiture, Philippe VI a aussi rappelé que son droit de regard sur les affaires catalanes, un droit qui lui vient aussi tout droit de l’histoire. « Tout au long de ma vie, comme Prince des Asturies, de Gérone et de Viana ma fidélité à la Constitution a été permanente. »
Pour son premier déplacement dans son royaume, quelques jours après, le roi a justement choisi Gérone, en Catalogne, pour signaler que, déjà, ce lien établi par les titres de l’héritier de la Couronne est transmis à sa fille aînée et que, malgré son jeune âge, l’infante Léonore en est très fière. Cette présence politique vaut déjà au roi quelques tentatives de récupération de la part d’Artur Mas, qui réclame déjà une médiation royale dans le conflit qui l’oppose à Madrid. Le président de la Generalitat a demandé au chef de l’État, en réponse au discours de Gérone, d’agir « avec imagination, en écoutant les gens, en sachant que les choses ne sont plus comme il y a quarante ans et pas uniquement en invoquant la Constitution. »


La figure d’un roi modérateur demeure à ce point incontournable qu’à son tour, Iñigo Urkullu, le Lehendakari, le chef du gouvernement basque, s’est manifesté. « Philippe VI doit être conscient que le statut [d’autonomie] a été laminé. (…) Je le soupçonne de l’être, en tous cas je suis prêt à réfléchir avec lui. »


Maniant lui aussi les symboles du passé, celui qui est aussi le chef du parti nationaliste basque est allé jusqu’à inviter le nouveau souverain à faire une visite à Guernica, haut lieu des libertés locales. Bien sûr, la plupart des nationalistes basques comme les catalans ne poursuivent qu’un but : l’indépendance de leurs régions respectives.


Mais les avis donnés et les conseils reçus d’un roi ne peuvent pas être bradés devant une opinion publique loin d’être majoritairement acquise aux idéaux indépendantistes, y compris dans les régions aux velléités les plus fortes. Pèsera pour longtemps, dans les mémoires, l’adoption par 87% de députés de Madrid de la loi organique sur l’abdication du père du roi. Seulement six des quarante-sept députés catalans présents à l’assemblée de Madrid ont alors dit « non ». La forme monarchique du pouvoir, dans un grand État européen, en ressort consolidée.

Christophe BARRET