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Du torrent de commentaires déversés en décembre sur les Gilets jaunes, repêchons quelques idées simples. Nous sommes dans une révolte sociale qui tend à l’insurrection politique. Dans cette lutte, se forge une conscience de classe – celle des travailleurs accablés par l’ultralibéralisme. Des individus qui désespéraient découvrent la chaleur de l’action collective et leur force. Encouragés par une majorité de Français, ils exigent la hausse des salaires et la répartition équitable de la charge fiscale. Logiques, ils visent celui qui exprime jusqu’à la caricature l’arrogance des riches : « Macron démission ! ». Nous ne sommes plus dans l’action syndicale mais dans un mouvement populaire résolument national, tricolore, qui chante la Marseillaise et qui se moque des étiquettes autant que des tentatives de récupération populistes.
Démocratie directe ?
Il faut bien sûr participer à ce mouvement, sans le glorifier. Rien n’est joué. Les reculs tactiques de l’Élysée et les frayeurs du bloc oligarchique font plaisir mais la chape de plomb est à Bruxelles comme le signifient à leurs camarades les manifestants qui brûlent les drapeaux bleus. Et quand le carcan de l’euro aura sauté, une tâche immense sera encore devant nous. La souveraineté de la nation est bien entendu la condition de la justice sociale et de la démocratie mais la traduction concrète de cette exigence conjointe pose de sérieux problèmes !
Dans le domaine économique et social, nous sommes depuis novembre sur le bon chemin puisque nous voyons se constituer un bloc populaire qui devrait être capable, s’il s’adjoint les fonctionnaires et les agriculteurs fragilisés et appauvris par l’ultralibéralisme, de défaire le bloc oligarchique. Mais le redéploiement de l’État social et la mobilisation de l’économie nationale en vue d’un nouveau mode de développement supposent des conditions politiques qui sont très loin d’être remplies.
Nous voyons de nombreux Gilets jaunes reprendre l’idée du « référendum d’initiative citoyenne » (RIC) et réclamer la démocratie directe avec une ardeur qui permet de mesurer l’ampleur de la crise de la représentation dans notre pays. Le RIC est dans la logique de la souveraineté du peuple et ce type de consultation peut répondre à l’exigence démocratique dès lors que les conditions juridiques de sa mise en œuvre seraient précisées. Il faut attendre avant de se prononcer, tout en soulignant que le RIC ne peut à lui seul résoudre la crise de la représentation.
Le problème des relations entre les représentés et les représentants se pose depuis la Révolution française et ne trouvera jamais de solution pleinement satisfaisante pour une raison fondamentale : le principe de souveraineté du peuple institue le Peuple dans son unité et son identité politiques alors que le peuple français est et restera divers dans sa sociologie, riche d’idéologies opposées et de conflits de classes. On n‘échappe pas à ce paradoxe démocratique et les institutions politiques sont conçues pour apporter des solutions imparfaites mais acceptables au désaccord entre les Français et leurs élus.
Progressivement installé en France à partir de la Restauration, le régime parlementaire, commun aux démocraties européennes, est le seul qui puisse assurer un accord entre une majorité, des députés qui sont députés de la Nation - non de leurs seuls électeurs - et le gouvernement responsable devant eux. Quant aux régimes d’Assemblée unique, qui retrouvent aujourd’hui quelques faveurs, ils sont aussi opaques et incontrôlables que les systèmes de personnalisation autoritaire.
C’est pourquoi la Vème République, en dépit des critiques spécifiques que nous lui adressons, demeure un système institutionnel nécessaire aux révolutions démocratiques et sociales qui se dessinent mais seulement à trois conditions. Elle doit être débarrassée de son cancer oligarchique. Elle doit être appliquée à la lettre, celle d’un régime parlementaire à présidence arbitrale. Les pouvoirs exécutif et législatif doivent respecter l’ensemble des principes inscrits dans la Déclaration de 1789 et dans le Préambule de 1946.
Le divorce aujourd’hui complet entre représentants et représentés n’est pas le produit de la Constitution. Il résulte du pacte implicite entre la droite et la gauche de gouvernement dans la commune soumission à Bruxelles, du rejet qu’ont subi les partis classiques et de la récupération du dégagisme par le clan Macron. Cela signifie que de nouveaux partis de gouvernement sont à construire. Nous avons quelques idées à ce sujet. Nos amis aussi…
Bertrand RENOUVIN