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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Servir l'État

Editorial du magazine royaliste N°1139 | du 20 février 2018 au 6 mars 2018
mardi 6 mars 2018 | Thème: politique
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Emmanuel Macron s’engage dans la « trans­formation » de la fonction publique pour réduire ses effectifs et la soumettre aux pro­cédés du management privé. Il s’attaque à des prin­cipes institués et à ceux qui les appliquent. Il me­nace l’État en tant quel tel, qui est l’une des conditions de notre existence nationale.
La France existe aujourd’hui grâce à ses trois Constitutions, administrative, sociale, politique, qui sont le fruit de sa très longue histoire. À la Constitution administrative qui s’esquisse avec Philippe Le Bel, se sont ajoutées la Constitution sociale inscrite dans le Préambule de 1946 puis la Constitution de 1958 qui se fonde sur la Déclara­tion de 1789 et le texte de 1946. Au fil des siècles, notre histoire s’est instituée sans se figer et l’en­semble de notre organisation constitutionnelle est assurément révisable et perfectible. Or, depuis le milieu des années quatre-vingt, les « réformes » de droite et de gauche sont allées dans le sens de la destruction. Destruction de la Constitution de la Vème République devenue avec le quinquennat un instrument de l’oligarchie. Négation des principes inscrits dans le Préambule de 1946. Attaques mul­tiples lancées contre notre Constitution administra­tive selon les mots d’ordre de l’ultralibéralisme : nombre excessif de fonctionnaires, anomalie de leur statut, lourdeur des procédures ! Cet argumen­taire simpliste est repris par le Président des riches qui est persuadé, comme tous les gens de sa caste, que l’organisation étatique sera efficace quand elle sera calquée sur le secteur privé.
Cette confusion entre le public et le privé est ab­surde. Le pouvoir politique, établi sur nos principes juridiques, et l’État, chargé de mettre en œuvre le droit, sont au service de l’intérêt général. La col­lectivité nationale telle que nous la concevons en France – celle d’un peuple de citoyens – ne peut exister durablement sans les institutions politiques et administratives régies par le droit public. De leur côté, les entreprises privées visent la maximisation de leurs profits et les organismes privés assurent la défense et la promotion d’intérêts particuliers. Le gouvernement et l’administration publique ne sont pas comparables ni ré­ductibles au privé parce que le pouvoir politique et l’État sont en charge des conditions même de la vie et de la survie de la nation - la Défense natio­nale, la sûreté, la protection des droits de tous et de chacun – et parce qu’ils sont les points émi­nents de notre système de médiations. Le pouvoir politique, dans sa vocation arbitrale aujourd’hui niée, est un médiateur. L’État est le régulateur des conflits sociaux et individuels parce qu’il dispose de la force nécessaire au respect de la loi. Le pou­voir politique et l’État relèvent du domaine de la souveraineté, de la légitimité et de la légalité.
Il est possible et nécessaire de citer mille man­quements à ces principes, mille abus et dérives bureaucratiques. Mais contre ces faiblesses et ces scandales c’est aux principes qu’il faut en appe­ler – non aux règles plus ou moins respectées de la gestion privée. Et c’est selon ces principes que le statut de la fonction publique de l’État doit être envisagé. Le fonctionnaire est dans une situation statutaire et réglementaire parce qu’il est au service de l’intérêt général ; son statut repose sur les prin­cipes d’égalité, d’indépendance et de responsabilité qui sont d’ordre politique et qui relèvent de la rai­son juridique explicitement reliée à la Déclaration de 1789. C’est selon ces principes que la fonction publique peut être améliorée – par exemple si l’on se décidait à respecter l’article 15 de la Déclaration qui dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
Sous différents régimes politiques, la France s’est construite avec l’État et par l’État. Détruire l’État par la contractualisation, l’évaluation au « mérite » et les licenciements collectifs déguisés en « départs volontaires », c’est menacer la nation dans son existence à l’heure où, affaiblie dans sa souveraineté, elle est exposée aux puissances fi­nancières et à une technologie pré-totalitaire. Face à l’offensive contre la fonction publique, mobilisa­tion générale !
Bertrand RENOUVIN
(1) Lire ou relire : Anicet Le Pors – Gérard Aschieri, La fonc­tion publique au XXIe siècle, Les éditions de l’Atelier, 2015.