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Editorial | La Nouvelle Action Royaliste

Toujours plus dépossédés

Editorial du magazine royaliste N°1162 | du 25 février 2019 au 10 mars 2019
mercredi 6 mars 2019 | Thème: politique
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L'industrie de la nation française est à vendre. Ce n’est pas nouveau. La droite avait commen­cé en 1986. La gauche a repris en 1997 avec Lionel Jospin, champion des privatisations. On a pri­vatisé les banques, on a vendu Total en 1993, Péchi­ney en 1995, les Chantiers de l’Atlantique en 2008, Alstom en 2015… Les ventes d’entreprises publiques ont coïncidé avec les rachats massifs d’entreprises privées françaises par des groupes étrangers (1).

On se plaint de la désindustrialisation et du chô­mage qu’elle entraîne, mais la braderie continue. Sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, le gouver­nement a lancé de nouvelles privatisations - Aéroports de Paris, la Française des Jeux, Engie – et l’on annonce déjà des cessions de participations de l’État qui concernent Orange, Air France-KLM, Peu­geot et Renault. Elles s’ajouteront à la privatisation des barrages et d’une partie de la forêt domaniale.

Les justifications de cette frénésie ? Toujours les mêmes depuis trente ans. On affirme que les entreprises privées sont plus performantes que celles du secteur public et que la concurrence est salu­taire… comme le serine Bruxelles. On ajoute qu’il faut renflouer les caisses de l’État et soutenir les nouvelles entreprises innovantes. Vraiment ?

Nul ne pourra apprécier les performances de Péchi­ney, dépecé par le groupe Alcan, ni celles d’Arcelor, privatisé en 2005 et finalement naufragé par Mittal en 2013. Ce que la France ne produit plus, elle l’achète à l’étranger : belles économies ! Nul n’ignore les splen­dides résultats de la privatisation des autoroutes en 2006 : hausse constante des péages et croissance subs­tantielle des profits presque entièrement distribués en dividendes. Nul n’ignore les conditions opaques et scandaleuses dans lesquelles l’aéroport de Toulouse-Blagnac a été vendu à des Chinois qui ont empoché de gros dividendes avant de mettre leurs parts en vente.

L’argument de la dette publique ne tient pas plus que celui du financement de la « start up nation ». François Fillon, François Hollande et Emmanuel Macron oublient toujours de dire qu’un État ne paie jamais ses dettes – mais seulement les intérêts d’une dette publique qu’il peut faire rouler à l’infini – et qu’une pépinière de jeunes pousses ne compense pas la perte de secteurs straté­giques. Car tel est bien le point décisif : le partage entre le secteur public et le secteur privé ne doit pas relever de choix finan­ciers – et des pactes de cor­ruptions qui peuvent être conclus – mais de décisions politiques fondées sur la protection et la promotion des intérêts na­tionaux, tant économiques que géopolitiques.

La nationalisation est une appropriation collective par le moyen de l’État. Elle rend tous les citoyens français propriétaires des entreprises nationales – qui peuvent mettre en place des systèmes de participa­tion de leur personnel et des usagers. Il faut appli­quer le principe édicté par le Préambule de 1946 : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des condi­tions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».

La nationalisation des secteurs stratégiques – à com­mencer par le crédit – permet de les rendre inaliénables, de constituer un ensemble cohérent de services publics et de mobiliser l’ensemble du secteur public en vue du développement de l’économie nationale. Ce dévelop­pement doit être souplement planifié afin de réussir une transition écologique aujourd’hui bloquée par la logique du profit. Qu’on ne crie pas au collectivisme ! La planification et la nationalisation des secteurs-clés donneront au secteur privé un cadre économique stable, fortement protégé, favorable à l’innovation.

Toute privatisation est une dépossession que chacun doit ressentir comme telle : on nous vole nos aéroports, nos forêts, nos barrages… fabriqués, entretenus, pré­servés avec nos impôts ; on détruit l’économie natio­nale et du même coup on appauvrit les Français. À l’heure où le « souverainisme » de droite renvoie aux calendes grecques la reconquête de la souveraineté monétaire, il est nécessaire de rappeler que la souve­raineté de la nation implique la reconstitution d’un vaste secteur public et nationalisé, qui pourra inspi­rer les nations européennes soucieuses de dévelop­pement économique, social et écologique concerté.

Bertrand RENOUVIN

(1) Cf. le livre de Laurent Izard, La France vendue à la découpe, Éditions L’artilleur, 2018.