Recommandez: |
|
Tweet |
---|
Quelles conclusions tirer de ces élections départementales ? Tout d’abord l’importance de l’abstention, phénomène majeur de cette élection. 55 % d’abstention au deuxième tour.
Cela signifie que les gesticulations politiciennes du Premier ministre appelant à endiguer la poussée fasciste sont restées lettre morte. Et cela donne un éclairage particulièrement intéressant sur la véritable représentativité des trois grands protagonistes de cette élection.
Une partie du pays décroche, ne croit plus au système, et fait sécession. On peut bien sur pour l’expliquer invoquer la crise économique, les reniements de François Hollande, l’échec moral autant que politique des partis de gouvernement. Mais n’oublions pas aussi que, pendant des années, ces partis n’ont cessé de scier la branche sur laquelle ils étaient assis, clamant leur impuissance salutaire face aux lois du marché, raillant toute politique un peu volontariste.
Pourquoi dès lors se déplacerait-on encore pour des élections, départementales de surcroît, dont on ne sait pas très bien le sens ?
Certes la petite moitié de citoyens qui s’est rendue aux urnes a donné la victoire à la droite républicaine (UMP, UDI, MODEM). S’agit-il pour autant d’un vote d’adhésion du pays et Nicolas Sarkozy entame-t-il une marche triomphale vers le pouvoir ?
C’est oublier que l’UMP a bénéficié de l’effet sanction de l’équipe au pouvoir dont ont bénéficié les socialistes en leur temps. Et que ce scrutin ne règle ni la question du projet politique de l’UMP, ni celle des menaces judiciaires qui pèsent sur le destin de son chef.
Quant à la gauche socialiste, elle a depuis longtemps anticipé sa défaite, même si elle n’envisageait pas de se retrouver acculée, en position de forteresse assiégée dans ses bastions du sud ouest.
Si le prochain congrès du PS s’annonce musclé, on peut faire confiance à Cambadélis pour tenir l’appareil. Et l’article 49-3 est une procédure juridique si merveilleuse ! Sans oublier les appels incantatoires à ne pas faire le lit de la droite et de l’extrême droite. Cela permettra sans doute de tenir jusqu‘en 2017, en attendant le retour de la croissance salvatrice. Bel aveu d’impuissance.
Comment ne pas approuver Jacques Julliard lorsqu’il fustige une gauche socialiste dont le logiciel est déglingué ? « On dirait que la seule ambition de la gauche bobo est de surimposer un ordre moral antiraciste à l’ordre économique de la mondialisation capitaliste » ; de ce fait on ne peut que prendre la mesure de « la gravité du divorce entre la gauche et le pays tout entier. » (1)
Pensons cependant à l’apport immense que serait le retour de ministres écologiques. Les Français en frémissent d’impatience! Pathétique.
Le Front de Gauche assiste impuissant et divisé à la montée du FN.
Le Front national triomphe à raison. S’il n’obtient « que » 62 conseillers départementaux, il recueille les voix de 4 108 404 électeurs tout près du parti socialiste qui lui en comptabilise 4 607 021 la droite en comptabilisant près de 7 millions. Les commentaires sur son soi-disant échec font dès lors sourire.
Deux députés, deux sénateurs, 14 maires, 62 conseillers départementaux, voilà un bilan des plus honorables. Où est l’échec ? Le FN est un parti qui s’implante progressivement, malgré des modes de scrutin défavorables, sans alliance et malgré un encadrement parfois défaillant.
C’est sur le fond qu’il faut attaquer le Front national, en dénonçant sa conception de la nation et de l’immigration, en montrant que ses programmes néokeynésiens ne suffisent pas à dissimuler son ancrage à l’extrême droite. Il sait humer l’air du temps.
Dénonçons l’imposture.
Marc SÉVRIEN
(1) Jacques Julliard – « le vide intellectuel d’une gauche coupée du peuple », Le Monde, 2 avril 2015.